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Festival de Montreux-Vevey - Zinman et Dutoit : deux chefs, deux styles - Compte-rendu
Orchestre légendaire fondé en 1946 par le facétieux Sir Thomas Beecham, le Royal Philharmonic Orchestra de Londres était accueilli pour deux concerts au Festival de Montreux-Vevey. Rien de plus passionnant que de comparer deux conceptions aussi différentes de la direction que celle de l’Américain David Zinman, et celle de Charles Dutoit (photo), directeur musical de la formation britannique depuis 2009.
Aucune concession à l’effet mais une concentration poussée à l’extrême chez Zinman, clair, précis, sobre dans la Symphonie n°2 de Brahms. L’exécution en est réfléchie, d’une lenteur calculée dans les mouvements extrêmes, débusquant les moindres contrechants des altos. Cette façon très naturelle, très lyrique aussi, fait davantage penser à une promenade bucolique (les instruments à vent, en particulier le cor, font des miracles dans l’Adagio non troppo et l’Allegretto grazioso) qu’à une interprétation taillée dans le marbre de la tradition germanique. Pourtant, la pulsation, le sens de la gradation culminent dans la coda conclusive. Même vision fluide et aérée pour l’Ouverture d’Euryanthe de Weber, même classicisme épuré pour l’accompagnement du Concerto pour violon n°5 de Mozart. Sur son Stradivarius (le « Booth » de 1716), l’Allemande Arabella Steinbacher propose une lecture ample à la pureté de ligne très châtiée.
Charles Dutoit se montre plus chorégraphique dans sa gestique, plus démonstratif aussi lors du concert qui rend hommage à Igor Markevitch compositeur (auquel une magnifique exposition est consacrée au Château de Chillon à l’occasion du centenaire de sa naissance). D’une quinzaine de minutes, Le Cantique d’amour (1936) déploie une écriture complexe mais suggestive. L’orchestre chauffé à blanc se surpasse dans une musique gorgée de sève, volcanique, où se fait sentir in fine l’influence de Scriabine ou de Szymanowski par l’utilisation subtile et sensuelle des timbres.
Le Canadien Louis Lortie bâtit ensuite son interprétation du Concerto pour la main gauche de Ravel (remarquable progression de la cadence finale) avec une science du clavier très contrôlée et une poésie à fleur de peau. Il est aiguillonné par l’efficacité barbare d’un Royal Philharmonic Orchestra poussé dans ses retranchements.
Dans la « Pathétique » de Tchaïkovski, l’exacerbation de la tension est à son comble sous la baguette d’un chef qui, avec les musiciens londoniens, vit un état de grâce - qu’on ne lui a pas toujours connu avec d’autres phalanges… On peut rêver version plus slave, mais Dutoit obtient de son orchestre l’engagement de tous les pupitres et une densité de la pâte sonore (celle des violoncelles et des contrebasses) témoignant d’un art de la narration et des contrastes tout à fait stimulant. En bis, la Polonaise d’Eugène Onéguine brille de tous ses feux sous la vigueur rythmique d’une lecture où l’efficacité le dispute à l’élégance dans l’écrin de l’Auditorium Stravinski.
Michel Le Naour
Montreux, Auditorium Stravinski, 1er et 2 septembre 2012
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Photo : DR
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