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Festival International de La Roque d’Anthéron - Charme et intensité - Compte-rendu
Fête du piano chaque été recommencée, le Festival International de La Roque d’Anthéron est, depuis trente-deux ans, le rendez-vous estival incontournable de tous les passionnés de clavier. La présence pour trois concerts de l’Orchestre National de Hongrie et de son directeur musical, le pianiste et chef Zoltán Kocsis (photo) constitue un événement à marquer d’une pierre blanche. Doté d’un tempérament de feu, Kocsis est un interprète aux talents multiples ; à soixante ans, il ne cesse de se remettre en cause avec une passion débordante.
Vibrion toujours en mouvement, dirigeant de mémoire, il insuffle trois soirs durant à « son » Orchestre hongrois énergie (Symphonie n°8 de Dvorák), sens de l’humour (Symphonie n°8 « Le Soir » de Haydn), imagination (à l’image d’une transcription orchestrale très réussie d’Orage, extrait des Années de Pèlerinage de Liszt), naturel sans apprêt (Symphonie n°2 de Brahms, Sérénade pour cordes de Dvorák).
En tant que soliste, il fait montre tour à tour d’alacrité, de subtilité arachnéenne, de poésie impalpable dans le Concerto pour piano et orchestre n°17 de Mozart. L’Andante offre un instant de rêve relayé par des musiciens d’orchestre avec lesquels le pianiste entretient une connivence de tous les instants. Celle-ci s’impose tout autant le lendemain lors d’une exécution très enlevée du Concerto pour piano n°3 de Rachmaninov sous les doigts de Boris Berezovsky. La fougue et le lyrisme emportent tout sur leur passage dans une succession d’élans et d’effusions où piano et orchestre rivalisent de tension, laissant le public sous le choc.
Plus réservé mais d’un classicisme abouti, Dezsö Ránki, lors du dernier concert, ne lâche jamais la bride tout au long du Concerto n°1 de Bartók d’une lisibilité minérale et d’une totale perfection rythmique scandée par des percussions très dynamiques placées au premier plan. On est davantage conquis par la nostalgie diaphane et l’intensité de la réalisation du Concert n°3 du même auteur. En parfait accord avec son vieux compagnon de route Zoltán Kocsis, aux petits soins pour lui, Ránki élève cette œuvre testamentaire sur des hauteurs raréfiées par une sensibilité à fleur de peau et un théâtre de timbres de toute beauté.
Dans de cloître de l’Abbaye de Silvacane, l’après-midi, Hervé Billaut propose pour sa part un programme d’une rare intelligence avec pour fil d’Ariane le lien unissant Rameau, Liszt, Debussy et Albeniz. Clarté sonore (L’Enharmonique de Rameau; Estampes, Livre I des Images, L’Isle joyeuse de Debussy), large palette de nuances (Jeux d’eau de la Villa d’Este et Consolations n°3 de Liszt), sens de l’évocation (Granada d’Albeniz) : dans une acoustique pourtant peu flatteuse, l’interprète sait faire oublier l’instrument au profit d’une lecture où la virtuosité pure est toujours soumise à la liberté et au charme. Il y a chez Hervé Billaut un art du clavier dont on ne se lasse pas.
Michel Le Naour
Festival International de piano de La Roque d’Anthéron – Parc du Château de Florans, Cloître de l’Abbaye de Silvacane, les 28, 29 et 30 juillet 2012
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Photo : DR
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