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Festival Musique en Côte basque - Esprit de finesse - Compte-rendu
Ce fut un concert suspendu, sous les galeries de bois qui ceinturent la belle église basque de Ciboure. Subtils glissements de terrains, rythmiques, sonores et émotionnels. Jean-Yves Thibaudet, pianiste jazzy et accrocheur lorsqu’il passe de Gershwin à Ravel, s’est fait ici intime pour parcourir les feuilles d’album que déroule le 2e Livre des Préludes de Debussy. On sait qu’il a enregistré les deux Livres chez Decca, et que sa forte virtuosité mais aussi son univers poétique lui permettent d’en rendre les sautes d’humeur et de couleurs.
Beaucoup de vent, de brume, de danses légères, de jeux de lumière dans ces poèmes mallarméens pour le piano qui sont des visions romantiques de la nature même si elles n’empruntent plus les codes du XIXe siècle, des lutins, des fées, pour mieux se débarrasser des humains, sauf lorsqu’ils sont croqués sur le mode humoristique (Général Lavine-eccentric). Libres, libre d’inspiration, de forme et de perception. Mais pas pour l’interprète, qui doit inventer constamment mille astuces pour en rendre la subtilité. Car chez Debussy, tout est rigoureux, même dans la fluctuation, de l’infime à l’explosion, ce qui impose des jeux de pédale complexes.
Dans un de ses meilleurs jours assurément, Thibaudet racontait ces histoires musicales en peintre plus qu’en analyste, amoureusement, avec de magnifiques arabesques, et le beau Steinway qui court la côte basque pour ce Festival, n’avait pas à souffrir d’une acoustique généreuse, moins brouillée que souvent dans les églises. En deuxième partie, le ton s’est fait luxuriant, enchaînant la Suite bergamasque, les Estampes et la vibrante Isle Joyeuse. Jamais de pans coupés, de la dentelle, comme le voulait Debussy qui n’admettait pas que la musique s’enfermât dans des moules prédéterminés. Pour évoquer le cent-cinquantième anniversaire de sa naissance, une vision intemporelle de la nature que ce concert d’un Thibaudet resserré.
En revanche, pure jeunesse, éclatante, victorieuse avec le formidable duo Mathilde Borsarello - Samuel Parent (photo). Les deux jeunes gens se connaissent depuis l’adolescence et leurs passions musicales ont été tissées ensemble : d’où cette parfaite osmose entre le piano et le violon dans des œuvres aussi effervescentes que la Sonate en la de Franck, qu’ils jouaient pour la première fois, d’un élan sans peur. Tandis que Parent, plus discret, joue relativement peu et enseigne beaucoup, Mathilde Borsarello, elle, n’arrête pas, de son pupitre à l’Orchestre National aux grands concours, lorsque sa vie de jeune mère lui en laisse le temps.
Superbe tenue d’archet, son plein, tempérament ardent, avec juste une exaltation un peu trop présente qui altère la respiration de son jeu et le rend parfois trop tendu : le public rassemblé ce dimanche matin sous le chapiteau du Domaine de Baroja à Anglet a été tenu en haleine par le lyrique Poème de Chausson, et même pendant la Sonate de Debussy, difficile pour ouvrir un récital par son caractère faussement léger. Borsarello qui était là dans le cadre d’un partenariat du Festival Musique en Côte Basque avec le Concours Long-Thibaud dont elle est lauréate, serait sans doute au meilleur d’elle-même en quatuor, qui donnerait de l’air à son jeu intense dont on espère qu’une carrière trop orchestrale ne l’étouffera pas. On sera attentif aux concerts de l’ensemble auquel elle participe, le Trio Estampe, car un talent tel que le sien doit se faire entendre.
Jacqueline Thuilleux
Ciboure, église ; Anglet, domaine de Baroja, les 6 et 9 septembre 2012, festival jusqu’au 14 septembre : www.musiquecotebasque.fr
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Photo : DR
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