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Francesca da Rimini de Zandonai à l’Opéra de Strasbourg - Belle ambition - Compte-rendu
Production phare de la saison de l’Opéra national du Rhin concoctée par sa nouvelle directrice Eva Kleinitz, Francesca da Rimini témoigne d’une réalisation achevée. L’opéra de Riccardo Zandonai (1883-1944), créé à la veille de la Grande Guerre à Turin, reste toujours une rareté. S’il s’agit de l’ouvrage le plus connu du compositeur, il n’est donné que de loin en loin, comme en 2011 à l’Opéra Bastille où il avait fait figure d’événement. Eva Kleinitz avait elle-même consacré en son temps une thèse à cet opéra qui semble lui tenir à cœur. Tant il est vrai qu’il met en jeu des ingrédients exceptionnels.Ce thème d’amour et de mort dans une Italie médiévale, tiré de Dante par D’Annunzio (et quelque peu condensé par le librettiste), fait appel à un orchestre survolté et un plateau vocal tout autant. Cela, dans un langage musical qui lorgne du côté du post-romantisme germanique (vers le Richard Strauss d’Elektra par exemple), mais pour une tranche de vie bien saignante sous nette influence vériste (on peut parfois songer à Tosca). Une œuvre assez inclassable, qui par sa complexité parle du talent de Zandonai à travers une partition luxuriante mêlant audaces harmoniques et exacerbation lyrique.
À Strasbourg, Saioa Hernández s’empare de Francesca avec des moyens fracassants, conformes aux exigences, mais servis par une constance dans l’émission qui vient à bout de ce rôle-titre éprouvant. Le ténor Marcelo Puente lui répond d’un même élan, Paolo, ou l’amoureux transi de l’héroïne, d’une tessiture ferme dans tous les registres. Marco Vratogna plante Giovanni, l’époux trahi qui finira par occire les deux amants, avec une projection de baryton solide. Le fourbe Malatestino revient au sombre et imposant Tom Randle, alors que Josy Santos incarne une Samaritana d’un beau phrasé lui aussi puissant. On passera, chez les uns et les autres, sur quelques duretés inhérentes à la furie réclamée par leurs prestations… Jolies interventions des multiples petits rôles, pour des ensembles appropriés. Le chœur réagit en phase, avec unité et présence, face à ce plateau de solistes fiévreux et un Orchestre philharmonique de Strasbourg pareillement. Car la battue de Giuliano Carella ne manque pas d’énergie dans une vigilance de chaque instant.
© Klara Beck
La mise en scène de Nicola Raab donnerait pour sa part dans l’abstraction, avec un demi cylindre tournoyant tout de bitume qui occupe l’espace scénique, piqué sur la fin d’une forêt d’épées, au sein d’éclairages de pénombres et des personnages campés comme le réclame l’action dans des tenues crypto médiévales, sans extravagances particulières. Le dispositif favorise toutefois le chant, s’il ne prend pas à la gorge le spectateur. Une mise en place, davantage qu’une relecture, mais qui dans sa neutralité ne dessert pas la transmission musicale. Et c’est celle-ci qui emporte et importe.
Pierre-René Serna
Zandonai : Francesca da Rimini – Opéra national du Rhin, Opéra de Strasbourg, 8 décembre ; prochaines représentations : 14, 19, 23, 28 décembre 2017, à l’Opéra de Strasbourg ; 6, 8 janvier 2018, à La Filature de Mulhouse / www.operanationaldurhin.eu/opera-2017-2018--francesca-da-rimini-opera-national-du-rhin.html
© Klara Beck
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