Il ne fait rien comme personne, surtout en ces temps de puristes et de Trissotins. Oui, Francesco Tristano aime le jazz et son jeu éclectique n’est pas sans rappeler celui de George Shearing, oui il se délecte aux effets de l’électro, et aime au studio d’enregistrement tripatouiller les consoles. Et alors ? On est artiste ou on ne l’est pas.

Le monde du classique le regarde avec suspicion, partagé entre séduction et crainte, mais l’a-t-il simplement entendu ? Le jeune homme à la tête de chou a toujours été rare en France. Fait significatif, il a abandonné son second patronyme, Schlimé, ajouté dès qu’il revenait dans le giron du répertoire classique. Emancipé, enfin ? Fier de sa différence ?

De tout cela il vous entretiendra seulement du piano, et quel piano. Allez, depuis Gould n’on a pas rencontré une personnalité musicale aussi libre et aussi dérangeante dans le noir et blanc des claviers. Comme Gould Bach lui est un Dieu, mais au contraire de Gould il ne cherche pas à démonter une mécanique. Chez Tristano la réflexion, même ardue, ne bride jamais l’inspiration quitte à s’y confronter.

Dans le cadre parfait du Théâtre de l’Atelier il donne son clouant programme Bach-Cage, pas une mise en regard, mais bien deux voyages antithétiques où le piano est livré aux sortilèges de la préparation, ouvrant derrière son cadre des paysages sonores inouïs. Bach dérangera –est-ce un mal ? – mais Cage joué comme cela devient de la toute grande musique.

On pourra utilement apprivoiser par avance l’expérience de ce concert en se procurant l’album que vient de publier Deutsche Grammophon(1), seul moyen de commencer à comprendre l’univers sonore qu’il voit et nous fait entendre dans la Première Partita.

Jean-Charles Hoffelé

(1)« BachCage » /DG 0289 476 417-3 5

Récital de Francesco Tristano

Œuvre de Bach et Cage

Le 30 mai 2011 - 20h

Paris - Théâtre de l’Atelier

www.theatre-atelier.com

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Photo : DR