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​Gábor Takács-Nagy dirige l’Orchestre de chambre de Paris – Vents debout ! – Compte-rendu

 

Membre fondateur du Quatuor Takács en 1975 et premier violon de cette illustre formation jusqu’en 1992, Gábor Takács-Nagy se consacre à la direction depuis le début des années 2000, mais demeure un musicien de chambre. Foncièrement. On le comprend en le découvrant devant l’Orchestre de Chambre de Paris, sans estrade, à la même hauteur que des instrumentistes visiblement ravis de le retrouver (il a dirigé l’OCP en avril dernier au Châtelet). Haydn, Beethoven : euphémisme de dire qu’il est en terre de connaissance. Mieux, il joue dans son arbre généalogique, avec une passion contagieuse.
Il retrouve en tout cas l’ardeur rayonnante d’un compositeur de 25 ans –  promis à devenir le plus célèbre de l’Europe de son temps – quand il s’attaque à la Symphonie n°1 Hob. I :1 de Haydn. Hormis ceux dont l’instrument exige la position assise, tout l’orchestre se tient debout et la partition résonne avec une énergie, des couleurs, un relief irrésistibles dans ses mouvements vifs (qui feraient oublier le nouvel éclairage, bien froid et tristounet, de la scène du TCE). On a l’impression, délicieuse, de croquer dans une pomme encore un peu verte. Et que de poésie, de lyrisme dans l’Andante, qui chante ... sans oublier de marcher !
 

Steven Isserlis © Satoshi Aoyagi
 
Passons vite sur le Concerto n°1 pour violoncelle de Haydn sous l’archet de Steven Isserlis, entaché de défauts d’intonation et encombré de maniérismes et de deux courtes – heureusement, car fort vilaines – cadences (de la main du soliste). L’esprit chambriste et l’élan du chef compensaient heureusement la déception du côté d’un archet qui a ensuite paru bien terne dans les Trois Poèmes Juifs de Bloch, arrangés pour violoncelle et orchestre à cordes par Christopher Palmer – belle partition, mais cheveu sur la soupe tout de même dans ce programme classique viennois.
 

© Miguel Bueno

Déception totalement effacée par la « Pastorale » de Beethoven placée après la pause. Une partition souvent ratée car les interprètes à trop se cramponner au « plutôt expression du sentiment que peinture » finissent parfois par ne plus oser les détails et assoupissent la Symphonie en fa majeur dans une rasante Gemütlichkeit.
Aucun risque avec Gábor Takács-Nagy. 68 ans annonce son passeport ? Quelle blague ! Un vrai jeune homme s’empare de l’Opus 68 avec une énergie et une poésie confondantes. Du relief là encore ; avec les vents debout (hormis les cors, choix logique si l’on considère leur rôle de trait d’union avec les cordes dans un orchestre). Pas une peinture accrochée au-dessus d’un canapé moelleux, pas une jardinière de balcon. Non ! La beauté et la force de la Nature, belle, ensoleillée et apaisante, âpre et violente aussi, sont là : l’interprétation du chef hongrois, son idée du son les traduisent, avec des coloris variés et un modelé de la phrase admirable. Tout vit, tout donne à voir dans cette « Pastorale ». Pour ne rendre que plus prégnante ... l’expression du sentiment. Triomphe mérité pour le chef, comme pour un orchestre formidablement attentif et impliqué ! 

Notez que l’OCP se produit le 27 novembre à la Philharmonie de Paris, sous direction de Giocomo Sagripanti.(1) Un chef qui s’est fait remarquer à la tête de formation en juin dernier avec la 9de Beethoven dans le cadre de la Fête de la Musique.

 
Alain Cochard

Voir les prochains concerts symphoniques de Beethoven <

(1) https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-symphonique/27109-orchestre-de-chambre-de-paris-giacomo-sagripanti

Paris, Théâtre des Champs Elysées, 14 novembre 2024

© Miguel Bueno

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