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Gala lyrique à l’Opéra de Tours – Attendez le prochain chameau – Compte-rendu
Certes les théâtres accueillent à nouveau le public depuis le 19 mai, mais rares sont ceux qui avaient pris le risque de répéter la fin de leur saison 2020-21, dans l’incertitude qui planait quant à cette réouverture. A l’Opéra de Tours, c’est la première reprise scénique moderne de La Caravane du Caire de Grétry (1783) qui en a fait les frais : adieu chameaux et bayadères, mais ce n’est que partie remise, et le spectacle verra le jour l’an prochain. En attendant, il a été décidé de lui substituer un concert de gala avec la participation de sept des onze artistes faisant partie de la distribution.
Ladite Caravane est évidemment au cœur du programme : chacun a droit a son air, les trois sopranos, les deux ténors et le baryton, et l’intérêt de la musique de Grétry se trouve encore confirmé, après les récentes représentations de Richard Cœur de lion à Versailles. Cette partition contemporaine des œuvres de maturité de Mozart mérite d’être défendue sur scène pour qu’on juge de sa validité dramatique ; tout au plus pourra-t-on trouver que le compositeur liégeois n’épargne guère les voix, ce qui l’amène à sacrifier quelque peu l’intelligibilité du texte, problème en partie compensé par l’inlassable répétition des mêmes paroles.
© Marie Pétry
Autour de Grétry, Hervé Niquet a choisi des pièces de nature à mettre en avant l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, des pages que l’on n’entend pas si souvent dans les concerts : l’entrée des chasseresses, tirée de Sylvia de Delibes, à mi-chemin entre La Guerre des étoiles et la valse de salon ; la polka de Strauss Unter Donner und Blitz, incontournable pour le Nouvel An à Vienne ; la marche Stars and Stripes forever de John Philip Sousa, excellente musique de cirque ; et l’amusant Typewriter de Leroy Anderson pour orchestre et machine à écrire. Avec un tel meneur de jeu, une ambiance festive s’instaure bien vite, même si le chef se montre plus sobre que lorsqu’il a pour complices Corinne et Gilles Benizio. Il s’accorde néanmoins le plaisir de chanter un extrait de L’Auberge du Cheval-Blanc qu’il introduisait déjà dans le King Arthur mis en scène par ces derniers.
Mathias Vidal © Marie Pétry
Outre Grétry, Offenbach est également à l’honneur de ce concert. Plus que les tubes tirés des Contes d’Hoffmann – une Barcarolle hélas privée de voix grave, et un « Scintille, diamant » qui ne doit pas grand-chose à Offenbach, où Douglas Williams fait valoir un timbre séduisant, mais sans se risquer au sol dièse final – on retiendra surtout les relatives raretés proposées : un duo avec castagnettes tiré de Maître Péronilla, la valse virtuose extraite d’Un mari à la porte (Florie Valiquette (photo) y est maîtresse du suraigu mais on ne comprend pas toujours bien ce qu’elle chante) ou l’air de la Corilla qui figurait également sur le disque Offenbach colorature de Jodie Devos, air que Chantal Santon-Jeffery interprète ici avec un humour ravageur. Dommage que, du même Vert-Vert n’ait finalement pas été chanté le duo figurant pourtant sur le programme de salle, mais peut-être cela aurait-il conduit à dépasser l’heure du couvre-feu.
Hervé Niquet & M
Les amateurs du répertoire français le moins fréquenté auront été comblés par tout le reste. Mathias Vidal se révèle magistral dans l’air de Méhul, tiré de la « comédie mêlée de chants » Une folie : à quand un disque consacré aux plus belles pages du compositeur lorrain ? Enguerrand de Hys donne une interprétation pudique de Pensée de printemps, une de ces mélodies avec orchestre de Massenet que le Palazzetto Bru Zane enregistrait il y a peu. Le PBZ est d’ailleurs partenaire de ce concert, ce qui explique aussi la présence d’un extrait du magnifique Lancelot de Victorin Joncières, dont on croit savoir qu’il figure parmi leurs projets. Ce duo, tout comme l’air non moins admirable extrait de Lalla-Roukh de Félicien David, prouve que Marie Perbost peut se montrer tout à fait convaincante et émouvante dans ce répertoire. On guette maintenant avec impatience le retour des chameaux de la caravane de Grétry.
Laurent Bury
Tours, Opéra, 8 mai 2021
Photo © Marie Pétry
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