Qui se souvient qu’Akram Khan, à 13 ans, tapait déjà du talon dans le Mahâbhârata mis en scène par Peter Brook. Depuis, le jeune londonien d’origine bengali, passé maître dans l’art du Kathak, est devenu un personnage prestigieux, d’un niveau artistique et médiatique rarement atteint dans le monde de la danse actuelle. C’est qu’Akram, avec sa présence charismatique, la subtilité de ses gestes, la profondeur de ses thématiques, toujours intellectuelles mais jamais pesantes – car qui a travaillé la danse indienne sait combien chaque frémissement du corps est porteur d’une signification puissante – a su toucher de multiples sensibilités, lesquelles ont collaboré avec lui, comme Sylvie Guillem, Steve Reich et même Juliette Binoche, pour des résultats parfois peu convaincants, bizarres, car il est difficile à saisir, malgré sa séduction. Il demeure que peu, comme lui, ont su allier identité culturelle et voyage dans le monde ouvert des interrogations contemporaines, et fasciner ainsi le public de tout bord. Un star system qui n’a pas abîmé la sincérité de sa recherche.

On croyait le cinquantenaire prêt à déserter la scène en 2022 après des décennies de présence, et voilà qu’il revient, en un retour aux sources de ses origines, pour un spectacle inusité dans son œuvre, car il rassemblera plusieurs grands interprètes du style Baratha natyam, d’âges divers, et les projettera dans leur héritage commun pour illustrer quelques mythes essentiels. Spectacle concocté, mûri dans les prestigieux studios Orsolina28 (1), lieu incroyable de création, d’apprentissage et de transmission de la danse, que créa dans le Piémont italien la riche Brésilienne Simony Monteiro.

C’est dire que ce Gigenis, The Generation of the Earth, auquel il participera sur scène en tant que danseur, porté par les Productions Sarfati, dont il est l’un des joyaux depuis près de vingt ans, sera suivi d’un œil passionné par les spectateurs du Grand Théâtre de Provence où il sera créé le 30 août, avant une grande tournée qui le mènera à Paris, mais également à Londres, New York, Washington et Singapour. Une des bonnes nouvelles de la rentrée que ce géant du mouvement, dont le style n’en finit pas de développer ses quêtes envoûtantes.
 
Jacqueline Thuilleux