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Guillaume Tell aux Chorégies d’Orange 2019 – Ennuyeuse Helvétie – Compte-rendu
Le « hic », c’est que Guillaume Tell n’est pas le diable et que les quelque quatre heures de spectacle voient se succéder les temps forts, mais aussi de nombreuses plages faibles. Rappelons que cette composition (créée le 3 août 1829 à Paris) est le dernier opéra de Rossini qui, à 36 ans, alors qu’il lui reste encore quarante années à vivre, décide de ne plus composer pour le genre. Il pose ici les bases du grand opéra à la française au détriment de la légèreté, des vocalises aériennes et autres facéties qui ont fait sa réputation jusqu’alors, se tournant vers des accents plus dramatiques et proposant des morceaux de bravoure à ses interprètes.
© Philippe Gromelle Orange
D’un côté, Jean-Louis Grinda a tenu sa promesse de faire découvrir une œuvre rare aux 7000 spectateurs présents, de l’autre il n’a pu éviter l’ennui, proposant une mise en scène à minima, avec projections de paysages sur le mur comme tout décor, costumes bien tristounets et déplacements sans originalité entre cour et jardin ; une charrue actionnée par le géant helvète héros du jour et un cuirassé de carton pâte pour transporter l’envahisseur autrichien étant les deux principaux accessoires utilisés. Sans oublier l’arbalète et la pomme sans lesquelles l’Helvétie ne serait pas ce qu’elle est … La légende voulant que Guillaume Tell, refusant de s’incliner devant le chapeau du bailli impérial Gessler, ait été condamné par ce dernier à tirer un carreau d’arbalète dans une pomme posée sur la tête de son fils Walter, ce qu’il fit avec succès avant de tuer le tyran d’une autre carreau en plein cœur, contribuant à la libération de la Suisse du joug autrichien.
Nicola Alaimo (Guillaume Tell) et Jodie Devos (Jemmy)
Pour incarner Guillaume Tell, c’est Nicola Alaimo qui effectuait ses débuts à Orange. Nous l’avions entendu il y a peu dans Rigoletto à l’Opéra de Marseille et avons retrouvé sa ligne de chant solide et franche, son magnifique médium, avec une projection idéale pour le lieu. Son physique impressionnant donne toute sa puissance et une présence imposante au héros du soir. Vocalement, Rossini a particulièrement « soigné » le rôle d’Arnold, Suisse conjuré et amoureux de Mathilde, princesse autrichienne. Le ténor Celso Albelo (photo à dr.) a donc eu fort à faire en affrontant ces montagnes qui, pour une fois, n’étaient pas russes, mais suisses, se sortant de quelques pièges placés tout en haut de la tessiture.
Nous avons eu un coup de cœur pour Jodie Devos dans le rôle travesti de Jemmy, fils de Guillaume. Petite taille mais voix large et puissante avec une projection exceptionnelle et beaucoup d’aisance pour cette jeune soprano dont la prestation fut saluée à la hauteur de sa performance; succès mérité. Nora Gubisch, mezzo solide, et Annick Massis (photo à g.), qui chantait aux Chorégies pour la première fois de sa carrière, ont incarné respectivement Hedwige et Mathilde tandis que Nicolas Courjal, une fois de plus, endossait le costume du méchant, Gessler, sa somptueuse voix de basse convenant parfaitement au sombre rôle qui lui était dévolu. Philippe Kahn, Nicolas Cavalier, Philippe Do, Julien Véronèse et Cyrille Dubois ont complété agréablement la distribution. Au-delà de quelques décalages, le chœur (réunion des Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo et du Théâtre du Capitole) a bien fait ce qu’il devait faire, tout comme l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo jouant avec les pinces à linge, mistral oblige, sous la baguette un tantinet paresseuse de Gianluca Capuano. Il ne manquait pas grand chose pour hisser ce Guillaume Tell au rang des bonnes productions orangeoises. Mais au sein d’une Helvétie bien triste, ennui aidant, on est resté autour de la moyenne ...
Prochain rendez-vous lyrique aux 150èmes Chorégies d’Orange les 2 et 6 août avec Don Giovanni. Mise en scène par Davide Livermore, la production sera dirigée par Frédéric Chaslin, avec Erwin Schrott dans le rôle-titre.
Michel Egéa
Photo © Philippe Gromelle Orange
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