La reprise de cet Hamlet présenté avec succès sur la scène du Comique en décembre 2018, s’annonçait comme l’un des moments forts de la rentrée. La joie de retrouver cette production originale et à l’écriture scénique contemporaine, qui utilisait l’image sous toutes ses formes et tous ses dérivés (vidéos, photos, extraits de films, décors animés, fresque lumineuse et autre mapping) s’est pourtant transformé en épreuve. Tout ce qui la première fois nous avait convaincu, cette lecture moderne d’une haute technicité, fluide et pleine de surprises, cette utilisation de l’espace ample et inventive offrant à ce drame de nouvelles perspectives, nous a semblé pesant, daté et caricatural.
 

Laurent Alvaro (Claudius), Jérôme Varnier (Le Spectre) © Vincent Pontet

Il suffit parfois d’un rien pour que tout ce qui nous était apparu évident, naturel et savoureux devienne en un instant un exercice aux rouages grippés. Sans doute surmené, l’Orchestre des Champs-Elysées dirigé comme en 2018 par Louis Langrée, grand défenseur de ce répertoire, se traîne dangereusement, sans jamais parvenir à retrouver l’urgence ni l’étincelle qui caractérisaient leur première approche.
Pratiquement inchangée, la distribution dont les louanges avaient été tressées souffre elle aussi de la morosité ambiante. Plus raide et moins subtilement habité, Stéphane Degout demeure un vibrant Hamlet, au profil vocal impressionnant, mais comme plus extérieur à la proposition scénique de Cyril Teste, dans laquelle il semblait s’être glissé avec moins de réticence il y a quatre ans. Sabine Devieilhe (Ophélie) n’a aucun mal à reprendre trait pour trait sa partition, quelle soit théâtrale ou vocale, le cristal de son timbre et la virtuosité de son chant ne permettant pas d’oublier la confidentialité de son registre dans les ensembles.

Dans le rôle de Claudius, Laurent Alvaro fait résonner sa voix rocailleuse, Jérôme Varnier s’avère plus monolithique en Spectre, tandis que Géraldine Chauvet très honorable Gertrude ne possède pas l’envergure dramatique de Sylvie Brunet. Plus effacés, les rôles de Laërte (Pierre Derhet), Marcellus et Second Fossoyeur (Yu Shao), et Polonius (Nicolas Legoux) sont tenus avec une conviction que manifestent également les membres du chœur Les Eléments.

François Lesueur

Thomas : Hamlet – Paris, Opéra-Comique, 24 janvier; prochaines représentations 26, 28, 30 janvier 1^er et 3 février 2022 / www.opera-comique.com
 
Photo © Vincent Pontet