Le chef Herbert Blomstedt est, à 84 ans, l’un des représentants les plus éminents d’une conception de la direction d’orchestre qui plonge ses racines dans une tradition où le métier de Kapellmeister l’emportait sur les sirènes de la gloire. Ce n’est pas un hasard s’il prit, de 1975 à 1985, la direction de la Staatskapelle de Dresde, phalange mythique de la Mitteleuropa. L’Orchestre de Paris a noué avec lui une relation privilégiée qui a débuté l’an dernier avec une 5ème Symphonie de Bruckner d’anthologie.

Quarante-cinq ans séparent Blomstedt du pianiste Till Fellner, mais rien ne les oppose dans la conception d’un 4ème Concerto de Beethoven d’une pureté apollinienne. L’entente cordiale qui unit les deux artistes interdit tout conflit : l’œuvre, sous cette lecture si proche du texte, gagne en noblesse ce qu’elle perd en conflit dialectique. La transparence, la clarté, la précision (comme dans la cadence de l’Allegro moderato du premier mouvement ou le Rondo vivace final) n’interdisent ni sensualité, ni poésie (Andante con moto). Le bis (Au bord d’une source de Liszt), subtilement dosé, se situe dans la lignée d’Alfred Brendel qui a été le maître de Till Fellner.

Sous l’élan de la baguette rigoureuse et libre de Blomstedt, Ein Heldenleben de Strauss conjugue sens de la construction et exaltation des couleurs d’un orchestre aux petits soins pour un maestro qu’ils admirent. Le violon de Roland Daugareil apporte élégance et charme lors de ses interventions à la fois virtuoses et subtiles. A l’issue du concert, les musiciens ne tarissent pas d’éloges sur l’énergie, l’expérience et la gentillesse de ce Grand Monsieur qui, en 2013, dirigera avec eux la Huitième de Bruckner à Paris et à Linz. Des moments d’éternité en perspective.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 12 janvier 2012

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Photo : DR