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Il Diluvio universale de Falvetti par Leonardo García Alarcón à Chantilly – Par la magie d’un lieu – Compte-rendu
On l’attendait avec impatience en ouverture du second week-end des « Coups de cœur à Chantilly », festival de printemps placé sous la direction artistique du pianiste Iddo Bar-Shaï ; Il Diluvio universale de Michelangelo Falvetti n’a pas manqué son retour, interprété par celui qui avait exhumé l’ouvrage en 2010 au Festival d’Ambronay. Une partition exemplaire de concision, sans une mesure de remplissage, de bavardage, où tout concourt à une efficacité maximale au long de quatre parties enchaînées (Le Ciel, Sur la Terre, Le Déluge, Dans l’arche de Noé).
Le maître de chapelle de la noble Cité de Messine (Il Diluvio y fut créé en 1682, année de l’entrée en fonction du compositeur) a signé là un vrai chef-d’œuvre (sur un texte de Vincenzo Giattini), dont le relief et la saveur ont pu pleinement s’exprimer sous le Dôme des Ecuries de Chantilly. Magie d’un lieu d’une beauté et d’une puissance saisissantes que le chef argentin et ses troupes ont utilisé au mieux en mettant au point – en improvisant faudrait-il presque dire compte tenu du peu de temps dont ils ont disposé – une mise en espace dans un lieu infiniment propice. Pas mal de spectateurs découvrent Il Diluvio à cette occasion ; on les envie car l’ouvrage prend dans ce contexte une dimension nouvelle et révèle au mieux ses potentialités, d’autant que l’approche d’Alarcón s’est au fil des ans beaucoup enrichie, et ne cède à aucune routine.
Le chef a sous la main un violon solo avec une formation de danseur : Yves Ytier. Il en profite pour lui demander d’exprimer cet aspect de son talent face La Mort (emploi fort bien tenu par Ilia Mazurov) lors de la tarentelle « Ho pur vinto » qui clôt la 3e partie : parfaitement en situation, le résultat fait mouche ! On pourrait aussi mentionner cette flûte à bec qui s’extrait de l’orchestre pour évoluer librement durant l’amoureux duo de Rad et Noé au début du 2e volet. Les déplacements du chœur (l’admirable Chœur de chambre de Namur, complice du Diluvio depuis l’origine) jouent un rôle clef et offrent des moment très prenants, tel le coro diviso « A fuggire, a morire » juste après la Sinfonia di tempesta annonçant le déchaînement de la colère du Ciel. Autant d’idées, toujours justifiées musicalement, dont les très belles lumières de Raffael Frediani renforcent l'impact.
La musique triomphe grâce une distribution idéale, à commencer par la Rad de Mariana Florès, d’une lumineuse poésie, idéalement appariée à l’expressif et émouvant Noé de Valerio Contaldo. Autorité, souplesse, profondeur abyssale des graves font de Matteo Bellotto un Dieu magnifique (le « Si mie potenze » ne manque pas son effet ! ). Quant à la soprano Ana Vieira Leite (la Nature humaine et l’Air), timbre aussi pur que chaleureux, chacune de ses interventions traduit une poésie et une expressivité infiniment touchantes (vraie merveille que son « La morte ingoio, e naufraga » ...). On n’oublie pas Alessandro Giangrande (La Justice divine) et Cécile Achille (L’Eau), non moins bien distribués. Saluons enfin Thibaut Lenaerts, qui a assuré la préparation – optimale – des choristes namurois.
Quant à Leonardo García Alarcón, de l’appel de la Justice divine au radieux chœur final, il entraîne les intrumentistes de sa Cappella Mediterranea dans une fête des timbres aussi suggestive que jubilatoire.
Alain Cochard
Chantilly, Dôme des Grandes Ecuries, 15 avril 2023
Le bonheur jusque dans les stalles ...
Photo © Concertclassic
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