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Il Re pastore de Mozart au Châtelet – Rafraîchissant – Compte-rendu
L’effet était annoncé, presque sans surprise : puisque préside à la conception scénique de Il Re pastore, avec l’aide d’Olivier Fredj pour la circonstance, Nicolas Buffe, celui même qui avait concocté le tout aussi rare Orlando paladino de Haydn en 2012 en ce même Châtelet. Nous retrouvons donc l’esprit et l’imagerie d’un jeu vidéo, avec station interplanétaire, engins balistisques et robots, humanoïdes et super-héros, tirés d’archétypes de bande dessinée manga ou heroic fantasy. Le tout projeté et animé en 3D sur grand écran (Robert Nortik signe la partie vidéo).
Car le plateau se résume à peu près à cela, les personnages de l’action voulue par l’opéra de Mozart plantés au-devant, dispensant des gestes stéréotypés entre un groupe d’acrobates-danseurs et de rares figurines manipulées par des marionnettistes tout de noir, dans des factures de même acabit. Mais cela suffit à donner à l’ensemble une vie de chaque instant. Qui a cependant ses limites et ses risques : dans un second acte (encore qu’il n’y en ait que deux !) qui tourne à vide avec les mêmes effets et ingrédients.
Pour autant, cet apparat de fantastique et de merveilleux, revu par les gadgets chers aux adolescents, colle à son sujet. Car le livret de ce Mozart de jeunesse inscrit son (léger) conflit d’amour et de pouvoirs dans une mythologie de convention, comme tout opera seria, finalement intemporelle. Et d’autant, si l’on relève son beau message final de générosité magnanime (qui sera aussi celui de L’Enlèvement au sérail, La Flûte enchantée et La Clémence de Titus). Encore faut-il s’entendre sur « Mozart de jeunesse »… Oui, en ce sens que le compositeur avait seulement 19 ans, mais pas tout à fait en regard de sa carrière, puisque Il re pastore (1775) constitue tout de même son septième opéra. Il est donc signé d’un musicien déjà fait, averti, maître de ses moyens et connaisseur des ressorts lyriques.
Si l’on ne peut parler d’un chef-d’œuvre à l’égal de ceux de la maturité (qui succède juste après, d’Idomenée à La Clémence), l’inspiration et le métier s’y font sentir. Notamment dans la construction, qui avance inexorablement, d’un premier acte d’exposition avec arias da capo figés dans leur moule, à un second acte d’un vaste souffle dramatique et musical (qui trouve son acmé dans le magnifique air du héro, soprano castrat ou travesti comme il se doit, digne des plus grands de Mozart).
Et c’est bien ce qu’illustre la restitution musicale au Châtelet. La battue de Jean-Christophe Spinosi et les timbres de son ensemble Matheus paraissent d’entrée un peu frustes, pour ensuite indiciblement et peu à peu verser dans la subtilité et la transmission intérieure. La plateau vocal acquiert lui aussi de l’assurance au fil de la soirée.
Les jeunes voix de Rainer Trost, Soraya Mafi et Raquel Camarinha, dominent leur sujet et son traitement, coloratures comprises, avec une projection aisée. Marie-Sophie Pollak et Krystian Adam, un peu rêches et d’émission dure, gagnent ensuite souplesse et délié.
Les ponctuations de bruits synthétiques, « bing » et autre « zip » (réglés par Antoine Souchav’) inhérents à tout jeu électronique, se produisent elles-mêmes dans les moments qui s’y prêtent, sans gêne musicale aucune : pendant ou entre le récitatif secco, qui comme on sait se prêtait en son temps à toutes sortes de variations et improvisations. Au final, quelque chose de frais, comme le réclame cette pastorale héroïque, juvénile d’esprit et de conception mais assurée, à l’instar de ce spectacle tout public.
Pierre-René Serna
Mozart : Il Re Pastore – Paris, Théâtre du Chatelet, 22 janvier, prochaines représentations les 24, 26, 28, 30 janvier et 1er février 2015 / www.concertclassic.com/concert/il-re-pastore-mozart
Photo © Marie-Noëlle Robert
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