Journal
Issé de Destouches par Les Surprises au Festival Radio France Occitanie Montpellier 2018 – L'amour est dans le pré – Compte-rendu
On le conçoit sans mal à en juger par les qualités de la musique imaginée à partir d’un charmant et bucolique livret d’Antoine Houdar de la Motte, auteur que Destouches retrouva à plusieurs reprises durant de sa carrière – pour Le Carnaval et la Folie (1703) en particulier. Pas un instant d’ennui, pas un tunnel dans une partition contrastée et en perpétuel renouvellement, qui doit beaucoup à la variété de ses personnages : Apollon, déguisé en berger (Philémon) gagnant le cœur de la belle Issé, Hylas, amoureux – déçu – de cette dernière, Pan, apôtre – fervent ! – de l’amour libre, nouant la plus comique des relations avec Doris, zélatrice de la fidélité.
Une partition dont toute la saveur s’exprime grâce à l’engagement de L.-N. Bestion de Camboulas à la tête de troupes qui servent les qualités du premier opéra de Destouches, ici avec tendresse et charme, là avec humour et nerf, toujours avec une belle respiration et les coloris idoines. Le relief ne manque pas en effet à un orchestre qui réserve une large place aux flûtes et hautbois, essentiels pour traduire l’esprit d’Issé – où, comme le chante Apollon, « les prés, les bois et les fontaines sont les favoris des amants ». Un prologue et cinq actes : redevable envers le modèle lulliste, Destouches ne contribue pas moins à faire émerger ici une esthétique nouvelle sur le chemin menant à Rameau.
Aussi investie que les instrumentistes, la distribution rassemble Eugénie Lefebvre (photo à g.), Issé sensible et touchante, Martial Pauliat, Apollon décidé à la voix bien projetée. Complice de très longue date des Surprises (il était déjà présent pour l’enregistrement « Rebel de père en fils », premier CD remarqué de l’ensemble (2)), Etienne Bazola (photo à dr.) incarne un Hylas aussi parfait de style que d'expression (il se montre tout aussi remarquable en Hercule dans le Prologue). Quant à la dimension comique d’Issé, elle s’exprime à plein grâce à Matthieu Lécroart, impayable Pan dragueur, et à Chantal Santon-Jeffery, irrésistible et piquante Doris. Et n’oublions pas les brèves interventions de chanteurs issus du chœur pour des rôles secondaires : Cécile Achille (une Dryade), Stephen Collardelle (Un Berger, Le Sommeil) et David Witczak (Le Grand Prêtre).
Etape marquante dans le parcours des Surprises – le projet est porté par le Centre de Musique Baroque de Versailles –, Issé ne fait que commencer sa tournée à Montpellier. Après Saintes (20 juillet), l’ouvrage de Destouches sera à l’affiche de Sinfonia en Périgord (31 août), puis, avec une distribution modifiée (3), au Festival Baroque de Pontoise (12 octobre) et, dès le lendemain, à l’Opéra Royal de Versailles, cadre idoine pour l’enregistrement (4) qui viendra couronner une renaissance pleinement justifiée.
Alain Cochard
(2) 1 CD Ambronay AMY303
(3) Judith Van Wanroij (Issé), Mathias Vidal (Apollon), Thomas Dolié (Hylas), le Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles se substituant au chœur de solistes.
(4) à paraître sur le label Ambronay Editions à la rentrée 2019
Destouches : Issé (version de concert) – Montpellier, Opéra Comédie, 18 juillet 2018 // www.les-surprises.fr/agenda-concerts/
Photo © Luc Jennepin
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