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Jean Deroyer dirige Ariane et Barbe-Bleue de Dukas - Opulente beauté - Compte-rendu


Le 10 mai 1907 à l’Opéra Comique, cinq ans après la création de Pelléas et Mélisande, Paul Dukas faisait entendre son opéra Ariane et Barbe-Bleue d’après la pièce de Maeterlinck. Si le style de l’écrivain belge et son symbolisme se reconnaissent immédiatement, en revanche la musique de Dukas, opulente, voire luxuriante, parfois impressionniste, influencée par le wagnérisme, est à mille lieues de celle de Claude de France dans le rapport texte/musique.

Le jeune chef français Jean Deroyer (32 ans), habitué du répertoire de notre temps (il a travaillé avec Pierre Boulez), se saisit d’entrée de jeu de cette Ariane et Barbe-Bleue en version de concert avec une force et un éclat qui ne se démentiront pas tout au long des trois actes, progressant de l’ombre à la lumière. Point d’emphase dans sa direction nette, claire, qui sait soigner les transitions sans se perdre jamais dans le culte du son au détriment de l’architecture et de l’expression. L’équilibre entre les voix et l’Orchestre Philharmonique de Radio France n’est pas toujours respecté mais la progression (la tentative de délivrance des femmes de Barbe-Bleue qui refusent la liberté offerte par Ariane) est assumée avec une efficacité et un contrôle de tous les instants (ce qui n’était pas toujours le cas à l’Opéra Bastille en septembre 2007 sous la direction de Sylvain Cambreling).

Le plateau vocal s’avère homogène malgré le remplacement au dernier moment dans le rôle-titre de Jennifer Wilson par la Suédoise Katarina Karnéus, qui incarnait déjà Ariane en 2008 à l’Opéra de Francfort. A une belle qualité de timbre, qui souffre cependant parfois de la confrontation avec l’orchestre dans le registre grave, la mezzo conjugue présence et aisance en particulier au 3ème Acte, d’un rayonnement solaire. Très engagée, la nourrice de Delphine Haidan est plus qu’un alter ego. Les femmes captives de Barbe-Bleue (la mezzo-soprano Andrea Hill et les sopranos Emmanuelle de Negri, Claudine Margely et Karen Harnay), qui rappellent parfois les Filles du Rhin de la Tétralogie, méritent des éloges également. Le Barbe-Bleue de Nicolas Cavallier possède la profondeur qui sied à son personnage et se révèle être le seul à faire comprendre la prosodie française, pourtant essentielle dans cette œuvre chargée de sens philosophique.

L’Orchestre Philharmonique de Radio France sait ménager, au milieu de la houle symphonique, de beaux moments de poésie (à l’image du hautbois enchanteur d’Hélène Devilleneuve dans l’adieu d’Ariane à la fin du 3ème Acte).


Après une telle exécution, on peut à juste titre s’étonner qu’Ariane et Barbe-Bleue, l’un des fleurons du théâtre lyrique français, ne bénéficie pas de plus d’engouement de la part nos maisons d’opéra.

Michel Le Naour

Dukas : Ariane et Barbe-Bleue (version de concert) - Paris, Salle Pleyel, 15 avril 2011

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Photo : Pierre Johan Laffitte

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