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Jean-Marc Andrieu et Les Passions au Festival Radio France Montpellier Occitanie – Blanchard, solaire et théâtral – Compte-rendu
Né près d’Avignon, membre de l’école d’Aix-en-Provence où il eut pour maître Guillaume Poitevin, Antoine-Esprit Blanchard (1696-1770) se devait de tôt ou tard retenir l’attention de Jean-Marc Andrieu dont on sait la curiosité envers le baroque méridional. Blanchard, musicien du Sud, connut assez vite le succès à Paris (il fut joué au Concert Spirituel en 1732), puis à Versailles : avec l’appui de Campra, qui l’estimait, l’artiste prit en 1738 la succession de Bernier à la Chapelle Royale, où se déroula la suite de sa carrière.
Parmi la bonne quarantaine de motets à grand chœur (genre favori de Blanchard) conservé à la Bibliothèque Nationale, le chef des Passions en a sélectionné trois (Magnificat, De Profundis, In Exitu Israël) pour un concert intitulé « Magnificat à la Chapelle Royale de Louis XV », donné avec le concours d’une homogène équipe de solistes dont le style et l’engagement n’ont jamais été pris en défaut : Anne Magouët (soprano), François-Nicolas Geslot (haute-contre), Bruno Boterf (ténor) et Alain Buet (baryton) - Cécile Dibon (soprano), membre des Eléments, intervenant en renfort lorsque nécessaire.
Les timbres instrumentaux jouent un rôle clef chez Blanchard. Les bassons, dans le chœur initial du De Profundis (1740), contribuent à la douceur implorante avec laquelle s’ouvre une composition qui chemine, aussi concise qu’intériorisée (bravo à F.-N. Geslot pour un Quia apud Dominum très nuancé), jusqu’au lumineux Requiem aeternam conclusif.
Au fil des ans, la musique de Blanchard met toujours plus l’accent sur la dimension théâtrale : J.-M. Andrieu ne pouvait mieux souligner cette évolution qu’en plaçant en fin de programme le In Exitu Israël de 1749 (dont l’orchestre comprend flûtes/fl. piccolo, cors et timbales). Dès la Marche des Hébreux introductive, l’œuvre affiche un relief expressif et une efficacité dramatique remarquables. Le chœur Les Eléments, à son meilleur depuis le début de la soirée, mérite plus encore les éloges dans une partition qui le sollicite beaucoup (entre autres pour un saisissant A facie Domini où Blanchard suggère le tremblement de terre par une répétition de syllabe inspirée de l’Air des Trembleurs d’Isis). Les solistes disposent eux aussi de belles parties : ainsi le Mare vidit du baryton, sur un accompagnement orchestral très suggestif, ou encore le récit Simulacra gentium dont F.-N.Geslot magnifie l’italianité, avant que le mot de la fin ne revienne au chœur.
Quel dommage que Blanchard ne soit pas aventuré dans le domaine de l’opéra, se dit-on face à pareil sens dramatique, pareille capacité à donner à voir au moyen des sons ...
Une longue ovation attend Jean-Marc Andrieu et ses troupes : accueil plus que mérité pour un temps fort du Festival 2016 dont on gardera heureusement la trace puisque, capté par les micros de Radio-France, il fournira la matière du prochain disque des Passions (sortie prévue à l’automne, chez Ligia). Parmi les auditeurs réunis à l’Opéra Comédie, signalons la présence de Bernadette Lespinard, musicologue à l’origine d’une thèse sur Antoine-Esprit Blanchard. On imagine sa joie d’entendre l’objet de ses recherches servi d’aussi convaincante façon. Quant à J.-M. Andrieu et aux Passions, gageons qu’ils ne s’arrêteront sûrement pas là dans la redécouverte d’un compositeur de cette qualité.
Alain COCHARD
Montpellier, Opéra Comédie, 25 juillet 2016
Photo Jean-Marc Andrieu © J Vandersfeesten
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