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Jenufa à la Deutsche Oper Berlin - Entre épure et romantisme - Compte rendu
Identifiable par son minimalisme iconoclaste, le prolifique régisseur allemand décline désormais, à l’instar d’un Robert Carsen, son univers visuel et conceptuel sur l’ensemble du répertoire. Dans la Jenůfa étrennée cette saison, Dirk Becker a encastré dans le cadre de scène la « boîte » où se déroule l’action, symbole prévisible du regard oppressant de la communauté. On enferme une femme en noir dans cette pièce blanche comme une prison : c’est Petrona, la belle-mère de Jenůfa, qui a tué le bébé de sa belle-fille. Quoique presqu’académique, le procédé de la remémoration fonctionne sans heurts, soutenu par une remarquable économie de moyens. Le spectacle évite autant, sans surprise, l’écueil du folklore – la nature morave se trouve résumée à une ondulation de collines balisée par trois pylônes électriques recouverte d’épis de blé en août et de neige au cœur de l’hiver – que celui, c’est plus inattendu, de la trahison dramaturgique. En s’appuyant sur des détails matériels du livret, Christof Loy révèle une intéressante compréhension de la condensation émotionnelle qui caractérise la musique de Janáček.
A la tête de l’Orchestre de la Deutsche Oper, Donald Runnicles imprime à la partition un souffle que l’on qualifierait de romantique. Si Jenůfa porte déjà les signes reconnaissables du style de son auteur, l’opus n’évite pas toujours une certaine emphase. A côté de pages d’une concision expressive inimitable, certaines tournures se souviennent encore de Dvořák – Rusalka entre autres – ou Smetana, et la fête villageoise a des accents plus folkloriques que réellement personnels. La générosité du geste du chef américain présente l’avantage de façonner l’ensemble avec une certaine homogénéité, toute en rondeur, au détriment d’une clarté plus chambriste – symptomatiquement l’interrogation inaugurale au xylophone se fond dans la réponse texturée des cordes.
En revanche, le plateau vocal n’appelle aucune réserve. La partie très tendue de l’héroïne est assurée avec un bel engagement par Michaela Kaune. Jennifer Larmore incarne une Petrona émouvante et captivante, d’une intégrité vocale presque jamais couverte par l’orchestre. Hanna Schwartz compose une Buryja vénérable, sans céder à l’émission parkinsonienne dont est parfois affublé ce personnage de vieille dame. Timbre clair et haut placé, Joseph Kaiser caractérise la jeunesse inconstante de Števa et contraste avec le Laca plus rugueux de Will Hartmann. Les rôles secondaires ne sont pas en reste : Stephen Bronk, le bourgmestre ; Liane Keegan, son opulente épouse ; Martina Welschenbach, leur fille Karolka promise à Števa ; Jana Kurucová, Barena, la servante au moulin ; Hila Fahima, Jano, le jeune berger, et Fionnuala McCarthy, la bergère.
Gilles Charlassier
Janacek : Jenůfa – Berlin, Deutsche Oper de Berlin, 20 avril 2012
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Photo : Monika Rittershaus
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