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Joaquín Achúcarro inaugure le 39e Festival Piano aux Jacobins – Moment d’éternité – Compte-rendu
En ouverture du 39e festival Piano aux Jacobins, Joaquín Achúcarro propose un récital Chopin (dont il vient d’enregistrer, pour La Dolce Volta, une superbe anthologie construite autour des Préludes op. 28). Un compositeur que l’artiste, véritable légende en Espagne où il vit et aux Etats-Unis où il enseigne (à la Southern Methodist University de Dallas), n’a de cesse de remettre sur le métier depuis ses débuts.
Toujours aussi énergique et déterminé, Achúcarro prend le micro devant un Cloître des Jacobins bondé avant d’interpréter les 24 Préludes et expose sa conception de l’ouvrage : il se refuse à y voir une succession de courtes pièces dans l’ordre des tonalités et insiste sur l’homogénéité et la cohérence d’un opus seulement compréhensible dans sa globalité. De fait, l’interprétation se construit avec un profond sens architectural : la puissance, les contrastes, la densité du son – et le poids des silences – se fondent en une unité organique. Ce magnifique engagement, cette poésie omniprésente témoignent d’un art quintessencié qui sait prendre son temps, raconter une histoire et puiser ses ressources au plus profond du clavier.
Avec intériorité pour l’un, fraîcheur pour l’autre, le Prélude op. 45 et le court Prélude en la bémol majeur op. posth ouvrent la seconde partie de soirée. La Fantaisie-Impromptu leur succède, d’une liberté de ton et d’une distinction exempte d’effet extérieur et déclamatoire. Tout chante, respire à pleins poumons et fait oublier les marteaux de l’instrument. Les Nocturnes op. 9 n°2 et op. posth. en do dièse mineur invitent à un véritable rêve éveillé, avec un sens narratif et des couleurs belcantistes aux nuances savamment distillées, avant que la Barcarolle ne trouve sous des doigts agiles une profondeur qui se joue de l’approche d’un orage dans le ciel toulousain. Enfin, tandis que la pluie bat son plein, la Polonaise « Héroïque » frappe par les prises de risques d’un jeune homme de 85 ans capable d’atteindre l’inouï.
En bis, le Clair de lune de Debussy transporte très loin dans les étoiles. Standing ovation d’un public conquis, conscient d’avoir assisté à un inoubliable moment de musique ! Le 39e Festival démarre sous les meilleurs auspices et l’on sait gré à Piano aux Jacobins d’avoir une fois de plus offert au public français l’occasion d’entendre un maître bien trop rare – hélas ! – sur nos scènes.
Michel Le Naour
Toulouse, Cloître des Jacobins, 5 septembre 2018.
Jusqu’au 28 septembre 2018 : www.pianojacobins.com/
Photo © DR
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