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Jolivet à la lumière d'un centenaire
"Ne pas pouvoir coller une étiquette à un artiste est, probablement, le cauchemar des critiques.
Si, de son vivant, Jolivet est heurté par l'aigreur des comptes rendus de la presse et par l'opposition mesquine des "décideurs" de la vie musicale, cela est dû au fait qu'il surprend avec chaque nouvelle œuvre et qu'il refuse la justification : laisser aux autres le soin d'analyser son monde intérieur, c'est leur demander un effort souvent au-dessus de leurs forces, d'où leur agressivité. Il ne faut pas oublier que la production de Jolivet se place entre la fin des années trente et des années soixante ; nous sommes au début d'une période de délire verbal et de l'"explication". L'œuvre devient de moins en moins essentielle. C'est le commentaire qui devient important !
C'est avec une certaine indifférence que Jolivet traverse cette période ; mais intimement, il est blessé par l'incompréhension ambiante et les coups bas des imbéciles", écrivait Marius Constant(1). Les propos de ce dernier - bien placé pour parler du prix auquel l'indépendance se paie… - aident aussi à comprendre l'éclipse qu'a connue la musique de Jolivet en France depuis la disparition du compositeur, le 20 décembre 1974.
Mais les temps ont changé en trois décennies… Indépendance, refus des systèmes, préoccupations spirituelles, ouverture aux musiques extra-européennes : le langage d'André Jolivet se révèle d'une étonnante actualité en ce début de XXIe siècle et l'on ne peut que souhaiter que le centenaire de la naissance de Jolivet (le 8 août 1905) soit à l'origine de la redécouverte d'une figure majeure de la musique française du siècle écoulé.
Tous les admirateurs de Jolivet ne peuvent en tout cas que tirer leur chapeau à la fille du compositeur, Christine Jolivet-Erlih, dont l'enthousiasme et les efforts ont permis de fédérer beaucoup d'énergies. Impossible de citer ici tous les concerts qui ponctueront l'année 2005, mais il est motif de satisfaction lorsqu'on en parcourt la liste ; c'est de constater le nombre de jeunes interprètes qui se sont investis dans cette célébration.
Dès le 13 janvier à Radio France un récital de Sandrine Tilly (flûte) et Anne le Bozec (piano) en porte témoignage, suivi d'une interprétation du 2d Concerto pour trompette par David Guerrier à Lyon, les 14 et 15. C'est toutefois le programme de l'Orchestre de Paris dirigé par Michel Plasson, les 19 et 20 janvier, qui fait figure de coup d'envoi officiel du centenaire et, encore une fois, une jeune artiste, Isabelle Faust est la soliste du Concerto pour violon (1972) de Jolivet. Quoi de plus légitime que ce partenaire orchestral pour l'artiste allemande lorsqu'on se souvient que la formation parisienne accompagna Luben Yordanoff lors de la création de l'ouvrage en 1973 ?
Après avoir créé le Concerto pour violon avec succès à Munich il y a quelques mois, Isabelle Faust livre au public parisien une un partition tardive et épurée sur laquelle Jolivet à noté en exergue une maxime des Indiens Hopis : "l'essence de l'homme est sonore, le son engendre la lumière et l'esprit s'y manifeste"
Avec l'archet d'une aussi splendide virtuose et la baguette d'un défenseur inconditionnel du répertoire français (M. Plasson dirigera par ailleurs Ravel et Franck), l'hommage à Jolivet de l'Orchestre de Paris augure d'un moment à marquer d'une pierre blanche.
2005 donnera par la suite l'occasion de retrouver, aux côtés d'autres orchestres, Alban Gerhardt dans les Concertos nos 1 et 2 pour violoncelle, Marc Coppey dans le Concerto n°1, de nombreux solistes français (dont Cécile Daroux, Catherine Catin, etc.) au cours d'un Festival Messiaen de la Meije (21-21 juillet) très ouvert à Jolivet, ou Marie-Josèphe Jude dans le Concerto pour piano et orchestre.
Et ce ne sont là quelques jalons pour un centenaire où l'on découvrira aussi des expositions ("Jolivet et son œuvre", conçue par Guy Vivien et Christine Jolivet-Erlih, débute le 15 janvier au théâtre Mogador et est reprise du 11 au 18 avril au CNR de Lyon. La Bibliothèque Nationale propose quant à elle une exposition Jolivet du 19 avril au 22 mai) et divers ouvrages (une biographie signée Jean-Claire Vançon chez Horizon/Bleu-Nuit en avril, une biographie critique par Lucie Kayas chez Fayard en septembre, les écrits de Jolivet au Editions Michel de Maule en octobre, etc.).
Alain Cochard
(1) Nous tirons ces lignes d' "André Jolivet, Portraits", ouvrage collectif sous la direction de Lucie Kayas et Laetitia Chassain-Dolliou (Actes Sud) - une excellente lecture tandis que s'ouvre l'année du centenaire !
Tous les Concerts avec des œuvres de Jolivet
Photo : "Les amis d'André Jolivet"
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