Année du centenaire de la mort du compositeur, 2009 vit la naissance des Journées Charles Bordes à l’instigation du chef de chœur Michel Daudin. Cette marque de gratitude de la Touraine envers l’enfant de Vouvray est une illustration supplémentaire du mouvement de réappropriation de tout un pan de la mémoire musicale française en marche depuis quelques années - et auquel le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française de Venise apporte la contribution que l’on sait. (1)

Michel Daudin, directeur artistique des Journées Charles Bordes © DR

« Musicien accompli dans toute la force du terme » selon Debussy, l’ancien élève de Franck et de Marmontel laisse une production réduite. La mort le faucha il est vrai à 46 ans et, comme le rappelait René Dumesnil dans La Musique contemporaine en France (1930), « il donna le meilleur de sa vie aux autres, avant de songer lui-même à produire ». Charles Bordes créa la Société des Chanteurs de Saint-Gervais au tout début des années 1890 et, par ce biais, contribua à la redécouverte d’ouvrages de Josquin, Lassus, Palestrina ou Vittoria.
Le 6 juin 1894, c’est lui qui prit l’initiative d’une réunion où, rejoint par Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant, fut fondée la Schola Cantorum. L’établissement ouvrit officiellement ses portes le 16 octobre 1896 rue Stanislas, avec… 37 fr. 50 en caisse ! Mais Bordes, par son enthousiasme, sut rallier de nombreux mécènes à sa cause. Forte de son succès, la Schola - « le cauchemar du Conservatoire », se réjouissait Debussy - déménagea rue Saint-Jacques en 1900.

Haut lieu de la redécouverte de la musique ancienne et baroque à l’orée du XXe siècle, l’établissement est d’abord associé – et à juste titre -  au nom de Vincent d’Indy du fait de l’influence des cours de composition que l’auteur de L’Etranger y dispensa, mais il convient de rendre à Charles Bordes tout ce qui lui revient dans la réussite de la Schola. « On peut honorer hautement ce petit coin de Paris où l’amour seul de la musique commande », saluait Debussy. Un esprit qui se propagea dans diverses villes de province où Bordes, fervent avocat de ce que l’on devait bien plus tard dénommer « décentralisation », lança des « filiales » de sa chère Schola (à Montpellier en particulier).

Le rapport entre Bordes le Tourangeau et la musique basque ? Essentiel : en mai 1889 Armand Fallières, alors Ministre de l’Instruction Publique et de Beaux-Arts, chargea Charles Bordes d’une mission d’ethno-musicologie au Pays Basque qui allait aboutir à un rapport, La Musique Populaire des Basques, présenté en 1897 à Saint-Jean-de-Luz. Cette tâche fut l’occasion pour le musicien non pas de découvrir la musique populaire basque mais d’en approfondir sa connaissance. Il y avait effet été sensibilisé dès 1885 lors d’une conférence de Gaston Paris au Cercle Saint-Simon. Ecrite en 1886 et créée deux ans plus tard avec succès, la Suite basque op. 6 en témoigne.

Les 6^èmes Journée Charles Bordes viendront éclairer cet aspect de la personnalité du compositeur, vendredi 21 novembre, avec une conférence-audition de Natalie Morel-Borotra et Damien Top, «L’âme basque chez Charles Bordes ».

Le lendemain, l’Ensemble Hélios (un quatuor avec flûte augmenté pour l’occasion du violon de Lucie Vessière) sera au rendez-vous pour un concert réunissant la juvénile Suite basque, les Epigraphes antiques de Debussy, les Trois Nocturnes op. 79 de Nicolas Bacri et le trop rare Trio avec flûte op. 40 d’Albert Roussel. Roussel, magnifique créateur trop absent des programmes de nos jours et dont l’art doit tant à l’enseignement rigoureux de la Schola Cantorum.

Alain Cochard
 

1. Le Palazetto Bru Zane a, rappelons-le, apporté son soutien à la réalisation d’un beau CD de mélodies et de pièces pour piano de Charles Bordes par Sophie Marie-Degor, Jean-Sébastien Bou et François-René Duchâble (Timpani 1C1196, enregistré en 2012)

 
6^ème Journée Charles Bordes
21 et 22 novembre 2014
Tours – Musée des Beaux-Arts et Hôtel de Ville
Rens. : www.journeescharlesbordes.com

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