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Kôtarô Fukuma en récital à la Maison de la Culture du Japon à Paris – Reflets dans l’eau – Compte-rendu
Pas de doute, à un peu plus de 40 ans aujourd’hui, Kôtarô Fukuma compte parmi les personnalités majeures du piano contemporain. À une élégance princière et une suprême maîtrise du clavier, l’artiste japonais ajoute une curiosité peu courante. De Bach au XXe siècle, ce qu’il est convenu d’appeler le grand répertoire fait naturellement partie de son univers – l’an dernier, il a ajouté à la discographie une version de premier ordre de la Sonate n° 2 de Rachmaninoff et de la Fantaisie de Scriabine (Naxos).
Reste que celui qui a lancé la chaîne Rare Piano Music (1) se passionne aussi pour des aspects méconnus de la littérature de son instrument. Preuve de cette inclination pour la rareté, de retour au Japon Fukuma donnera le 14 juin le Concerto op. 37 du Suédois Kurt Atterberg (1887-1974) avec l’Orchestre symphonique d’Hiroshima sous la direction de Kazuyoshi Akiyama. Quatre jours plus tard, il retrouvera son Tokyo natal pour faire équipe avec sa compatriote Noriko Ogawa dans des œuvres à deux pianos de Bax, Britten et Rodney-Bennet.
Les aspects les plus récents de la création contemporaine ne le lui échappent pas non plus. Il en a donné la preuve il y a peu lors d’un récital parisien à la Maison de la Culture du Japon devant une salle comble où l’on relevait la présence de jeunes collègues, mais aussi d’aînées telles que Akiko Ebi ou Rena Shereshevskaya.
Le thème de l’eau et de son scintillement est très présent dans les récitals du pianiste depuis une bonne dizaine d’années ; il s’illustre une fois de plus ici avec un choix d’œuvres allant de Takemitsu à une création mondiale d’Ichirô Nodaïra. La Prière au bord de la mer de Kôhei Kondo, pièce pour basson et violoncelle de 2011, ici dans sa version pour la main gauche (un très bel apport à ce répertoire) ouvre le programme. Une partition en hommage aux victimes de la catastrophe de Fukushima dont le sombre dépouillement et les mystérieuses résonances saisissent littéralement – on dirait un ballet d’âmes errantes ...
De l’obscurité à la clarté : le triptyque Water Dance (2008) de Karen Tanaka suit, véritable jaillissement de lumière ! La musique frémit (quelle contrôle du son dans le n° 2 ... ), s’ensoleille sous les doigts du Fukuma. Au clapotis heureux de dernier volet, succèdent les fameux Rain Tree Sketch (1982) et Rain Tree Sketch II – In memory of Olivier Messiaen (1992) ; de l'ivresse de l’eau en mouvement, on passe à calme écoulement des gouttes de pluie. Richesse du timbre, sens des plans sonores : hypnotique ...
Un haïku sur l’hiver de Saisei Murô a inspiré à Yuka Takechi Winter Light (2016), pièce née d’une commande de Fukuma pour un récital en hommage à Takemitsu. Vol de l’éphémère au-dessus de l’eau ; pureté de la lumière, netteté du dessin – et du jeu, intense.
Aidé par la Fondation franco-japonaise Sasakawa, le pianiste a profité de son récital à la MCJP pour passer commande d’une pièce à Ichirô Nodaïra, présentée en création mondiale : Couleurs de l’eau et de la terre — deux éléments que l’auteur entend suggérer de façon « réaliste » – où le toucher de l’interprète montre toute sa plasticité, entre claire fluidité et âpreté, avant que Aqua de Ryûchi Sakamoto ne referme de la plus simple et harmonieuse manière un passionnant programme. Bis de Thierry Huillet, compositeur français très inspiré par le Japon : Haïku.
Le occasions de retrouver Kotaro Fukuma en France ne manqueront pas dans les mois qui viennent : notez dès à présent l’Iberia d’Albéniz – ouvrage dont il a signé un très bel enregistrement – qu’il donnera dans son intégralité le 16 août à Cambo-les-Bains.
Alain Cochard
> Voir les prochains concerts de piano à Paris et RP
(1) Rare Piano Music : joyfularts.co.jp/rarepianomusic/
Paris, Maison de la Culture du Japon, Petite Salle, 5 juillet 2024 (le programme avait été donné à l’identique la veille).
Site de Kôtarô Fukuma : kotarofukuma.com/
Photo © kotarofukuma.com
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