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Kotaro Fukuma en récital à la salle Cortot – Feu poétique - Compte-rendu
A chacune de ses apparitions on est frappé par la totale maîtrise de soi qui caractérise Kotaro Fukuma (né en 1982) et par le formidable « outil » avec lequel il prend possession la musique. Rien pourtant d’extérieur, de m’as-tu-vu chez un artiste qui accorde idéalement le geste à l’intention musicale. On comprend qu’Aldo Ciccolini ait pu être fasciné par l’art et le souci d’exactitude poétique de son jeune collègue. Car poète, Fukuma l’est au plus haut point.
Tandis paraît son enregistrement des Tableaux d’une exposition (1), le Japonais a rendez-vous avec le public de Cortot dans un programme russe. Deux extraits de Saisons (Chant d’automne et Troïka) et la Dumka Op. 59 de Tchaïkovski en guise de mise en jambes : l’entrée en matière se révèle aussi charmeuse que parfaitement caractérisée.
Fantaisie op. 28 de Scriabine : première fois que nous entendons Fukuma chez cet auteur, puisse-t-il y revenir souvent. Concentré, le jeu ne se laisse pas tromper par la surabondance postromantique de l’œuvre. La fièvre, le lyrisme sont bien là, mais c’est d’abord en sondant un foisonnant tissu polyphonique et en assumant la fulgurance de certains traits de main gauche que Fukuma démontre sa juste compréhension des choses : le Scriabine « première manière » est déjà... du Scriabine ! On s’impatiente d’entendre la 10ème Sonate sous de tels doigts.
Au couvent et Nocturne tirés de la Petite Suite de Borodine apportent une respiration subtile et nuancée avant que ne se déploie le fameux Islamey. Presque une promenade de santé pour celui qui fait crépiter la virtuosité et chanter la partie centrale avec un chic fou.
Dans Les Tableaux d’une exposition le bonheur est grand d’entendre un interprète abordant l'ouvrage de Moussorgski pour ce qu’il est, une géniale composition pour piano, sans nostalgie envers l’orchestration de Ravel. Aucun pittoresque facile, la justesse des tempos (Il vecchio castello, Bydlo), la vitalité rythmique (Les Tuileries, Ballet des poussins), la sûreté du dessin (Goldenberg et Schmuyle), une flamme et une plénitude sonore dénués de grandiloquence (La Grande Porte) soulignent un fois de plus la place éminente de Kotaro Fukuma parmi les trentenaires piano.
Il serait temps que les responsables des grandes salles et des orchestres parisiens en prennent conscience...
Paris, salle Cortot, 1er octobre 2014.
(1) 1 CD Hortus
Photo © Takuji Shimmura
Site officiel de Kotaro Fukuma : www.kotarofukuma.com
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