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La Chronique de Jacques Doucelin - Confiseries lyriques
La trêve des confiseurs ignore superbement la vie musicale. Après la bonne nouvelle de la nomination de Nicolas Joël au poste de « directeur désigné » de l’Opéra National de Paris à la veille des fêtes, on s’est réjouit de la désignation d’un professionnel pour succéder à Gerard Mortier à partir d’août 2009. Jusqu’à cette date, Joël sera une sorte de chrysalide lyrique, chargée d’emmagasiner les rêves qui berceront les mélomanes des prochaines décennies. D’ores et déjà, on a appris qu’il savait s’entourer de fortes personnalités bien expérimentées, puisque son bras droit sera le discret, mais archi-compétent Jacques Hédouin. Il suffit de dire qu’après avoir fait ses classes de gestionnaire d’institutions culturelles à l’Opéra de Lyon auprès de Louis Erlo et de Jean-Pierre Brossmann, il suivit ce dernier tout au long de son brillant règne au Châtelet.
Homme de festivals et de hardiesses, de coups médiatiques et de coûts financiers, Gérard Mortier aura poussé à fond les manettes de la « Grande Boutique » comme disait Verdi, en vrai pilote de formule I lyrique qu’il est. Cela fait voler la poussière et permet de vérifier la réactivité de l’outil, mais cela au détriment parfois de la solidité de l’ensemble. Très sollicités, les personnels, tant artistiques que techniques, ont exigé des contreparties à leurs efforts, arc-boutés sur les sacro-saintes conventions collectives qui ne sont évidemment pas le livre de chevet de l’actuel patron, plus attiré par les fastes de la programmation que par une rébarbative gestion au quotidien…
C’est dire que s’il ne veut pas lâcher le gouvernail artistique en perdant son temps en palabres et en discussions stériles, Nicolas Joël aura bien besoin d’un gestionnaire du personnel au fait de la législation et des (mauvaises) habitudes de la maison. Et surtout capable de mener des négociations et des luttes serrées avec des syndicats passés maîtres dans l’art de la défense de leurs intérêts et du statu quo.
Durant ces temps de confiserie, notre ténor national Roberto Alagna se payait le luxe du « prime time » dans des journaux télévisés désertés par leurs vedettes médiatiques habituelles partis à la neige, qui n’était d’ailleurs pas tombée, en quittant la scène de la Scala de Milan dès son premier air au début de l’ « Aïda » de Verdi. Le pauvret s’était senti agressé par des lazzis descendus du poulailler du temple du bel canto. On s’est d’abord dit que ce grand chanteur franco sicilien avait après tout bien le droit de péter les plombs, car il n’avait pas pris de vraies vacances depuis des lustres et qu’il donnait incontestablement des signes de fatigue depuis quelque temps : une chute de sucre suffit à mettre un colosse à terre. Mais on a aussi appris qu’à la veille de cette première historique à la Scala, le jour de la Saint Ambroise, il avait méchamment gourmandé le public local en affirmant dans des journaux milanais que ce public « ne le méritait pas »… Autant agiter un chiffon rouge devant le taureau : ça ne pardonne pas dans l’arène lyrique qu’est la Scala !
A la deuxième, notre Roberto voulu reprendre le rôle de Radamès… mais se heurta au niet inflexible du patron, Stéphane Lissner. De dépit, Alagna tenta de pousser la chansonnette sur la place de la Scala devant quelques caméras de télévision… Tout cela est assez pitoyable. Du coup, pour faire parler de lui à son tour, Stéphane Lissner mijota un mini scandale dans un verre d’eau en déclarant péremptoirement dans les gazettes parisiennes que la Scala de Milan renonçait à accueillir le Candide de Leonard Bernstein dans la version de Robert Carsen présentée au Châtelet.
D’aucuns avaient vitupéré ce spectacle que le public et l’ensemble de la presse avaient encensé. Mais la nouvelle n’était apparemment pas parvenue jusqu’aux oreilles de Stéphane Lissner qui se ravisa dans les 48 heures en se fendant d’une autre déclaration à la presse dans laquelle il se souvenait soudain que son théâtre était coproducteur du spectacle de Carsen avec le Châtelet. Au prix de quelques changements, d’ailleurs acceptés par le metteur en scène, il accueillerait donc volontiers Candide. C’est qu’il faudra au moins traduire en italien les textes parlés... Et puis, voyez-vous, renoncer ainsi sur un coup de boule, aux engagements signés d’une coproduction en bonne et due forme a un prix qu’on appelle dédit et qui n’arrangerait guère les finances déjà calamiteuses de la Scala. C’est d’ailleurs pour les améliorer que Milan a fait appel à Stéphane Lissner. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes lyriques possibles, comme dirait ce cher Dr Pangloss…
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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