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La Chronique de Jacques Doucelin - La Musique au doigt et à l’oeil
Réaménagé de fond en comble, le Musée de la Musique a rouvert ses portes le mois dernier. Certains instruments de ses collections ont été mis au jour et d'autres ont rejoint les profondeurs des réserves. De même, les salles ont été plus ou moins restructurées, non en fonction de critères purement esthétiques ou de mode, mais pour tenir compte de l'accélération du mouvement de l'histoire. Car en se déplaçant vers le futur, le présent creuse encore plus le passé qui réclame de plus en plus de place... Et surtout, depuis l'inauguration du Musée en 1997, on a bouclé un siècle, le XXe, dont le rythme accéléré par les fulgurants progrès technologiques a exigé un espace pour lui tout seul malgré le doublement de la surface consacrée aux musiques du monde : l'ombre tutélaire de Pierre Boulez, âme de la Cité de la Musique, ne s'étend pas seulement à l'activité des musiciens de l'Ensemble Intercontemporain, à la Médiathèque ou au Conservatoire voisin, mais jusqu'au regard porté sur l'histoire de notre musique occidentale.
Cette mue en douceur dans la présentation des objets s'accompagne aussi de changements en profondeur dans la relation du public avec l'histoire que veut conter le Musée de la Musique. Il a été ainsi tenu compte de ce qui se fait dans les musées traditionnels consacrés aux arts plastiques avec l'introduction notamment d'audio-guides destinés plus spécifiquement aux jeunes. Car le Musée constitue d'abord un formidable instrument pédagogique dans la mesure où il offre une exceptionnelle occasion d'immersion vivante en jouant sur la conjonction de l'image et du son au-delà de la présence dans la vitrine d'un objet voué au silence. Les enfants y viennent d'ailleurs nombreux en groupes scolaires pour des démonstrations d'instruments ou en famille.
C'est ainsi que les quatre séquences principales de ce parcours chronologique sont introduites sur un écran de télévision par l'intervention d'un acteur essentiel de l'histoire musicale occidentale d'aujourd'hui, de Daniel Barenboïm à William Christie en passant par Pierre Boulez, Pascal Dusapin et Christophe Rousset: difficile de trouver de meilleurs guides ! Sans parler de la quarantaine de films documentaires. Cela n'exclut pas pour autant les cartouches qui désignent les objets musicaux exposés dans les vitrines. Mais quoi de plus suggestif qu'un enregistrement de Chopin pour illustrer le siècle du romantisme ? Ce contrepoint constant entre les sens – l'ouïe et l'oeil – a pour but d'élargir au maximum le public du Musée, et c'est heureux.
Il serait réducteur de dire qu'il y en a pour tous les goûts, mais l'ensemble est désormais plus aéré et davantage mis en perspective selon le souhait du directeur du Musée Eric de Visscher. La grande lutherie de Crémone, l'orchestre de Berlioz ou celui de Stravinski font l'objet d'une vitrine chacun, ce qui n'est que justice. On peut s'arrêter, revenir en arrière, réécouter. Ceux qui marchent plus au feeling et au sentiment qu'à la notion plus intellectuelle de chronologie apprécieront le contact direct avec les instruments emblématiques de leurs idoles, de la guitare de Django Reinhardt au violon de Stéphane Grappelli.
Au fil des déambulations, il n'est pas interdit de rêver, casque sur les oreilles, devant la perfection des laques ou des peintures ornant ces objets uniques que sont les grands clavecins signés Ruckers ou Blanchet. Mais ne vous y trompez pas, ils ne dorment que d'un œil : parfois, ils donnent soudain de la voix en se livrant aux fantaisies des mains de Gustav Leonhardt ou de Christophe Rousset qui ne dédaigne pas de venir y faire ses enregistrements. Parfois même, ils se transportent jusqu'à l'auditorium du Musée pour de merveilleux concerts. Certains sont trop vieux ou trop endommagés, et il faut utiliser de fidèles copies: comme le Musée du Louvre a ses ateliers de restauration dont l'expertise est reconnue dans le monde entier, celui de la Musique répare, entretient et reconstruit ses instruments historiques.
Le plateau consacré au XXe siècle est moins rococo... l'irruption de la technologie et de la fée électricité ont transformé les consoles techniques en cabines de sous-marin dont les capitaines s'appellent Varèse, Xenakis, Stockhausen ou Boulez...L'ultime étape, après un voyage dans les quatre siècles de la musique classique occidentale, marque à la fois un élargissement géographique et un retour à l'artisanat et à la main de l'homme, avec les trésors d'invention que recèlent les musiques du monde.
Jacques Doucelin
Renseignements pratiques : 221, avenue Jean Jaurès - 75019.
Tél. : 01.44.84.44.84. www.citedela musique.fr
Entrée: 8 euros; gratuite pour les moins de 25 ans.
Fermeture: lundi.
Ouverture : 12 h à 18 h (mardi à samedi); 10 h à 18 h (dimanche).
Les visites peuvent se faire seul, en groupe avec ou sans conférencier (40 thématiques de visites sont disponibles).
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Photo : DR
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