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La Chronique de Jacques Doucelin - Lutter contre la censure, d’où qu’elle vienne !
Ne comptez pas sur moi pour défendre les directeurs d’Opéra trouillards face à l’intégrisme et au fanatisme religieux : vous ne me ferez jamais approuver toute censure qui s’apparente un tant soit peu à la lâcheté. Mais je ne puis m’empêcher de voir une fâcheuse, et néanmoins très logique continuité entre la détestable et coupable faiblesse de ces mêmes responsables face aux élucubrations des ayatollahs de la mise en scène et la stupide reculade de la directrice de la Deutsche Oper de Berlin face aux menaces de l’intégrisme islamiste.
La liberté d’expression artistique trouve – ou devrait trouver - en effet, ses justes limites dans l’œuvre mise en scène. Le mythe d’Idoménée et l’histoire du roi de Crète sont assez riches en eux-mêmes pour qu’il ne soit pas indispensable de faire défiler les têtes coupées des fondateurs de différentes religions largement postérieures aux événements chantés par Mozart.
En revanche, va-t-il falloir bientôt déprogrammer les opéras de Mozart qui mettent en scène, et en cause, directement des musulmans ? Je pense bien évidemment à L’Enlèvement au sérail et à Zaïde pour ne pas parler du personnage mauresque de Monostatos dans la très philosophique Flûte enchantée. Vous aurez noté au passage que ces trois ouvrages sont des opéras comiques en langue allemande – des Singspiele – et partant voués à une diffusion très largement populaire. Autant dire que dans la Vienne de la fin du XVIII è siècle, le souvenir de l’invasion des Ottomans n’avait rien d’une vue de l’esprit : un siècle après le dernier siège de la capitale des Habsbourgs par les Turcs, c’était même un souvenir particulièrement cuisant !
Quand Mozart introduit ce qu’on appelait alors la musique des janissaires dans l’ouverture de L’Enlèvement au sérail, c’est bien pour éveiller un écho chez ses auditeurs d’alors. Et oui, ne l’oubliez pas : Wolfgang a été moderne, c'est-à-dire marqué comme tout un chacun par les problèmes de son temps. Ça n’est, en tout cas, pas d’aujourd’hui que les Eglises diverses par leurs représentants exercent des pressions, allant parfois jusqu’à la censure : l’Eglise catholique ne s’en est pas privée du XVII è au XIX è siècle. Verdi en a su quelque chose !
La lutte, toujours politique, contre la censure est permanente. Et la conquête de la liberté demeure fragile : les inquisiteurs, même masqués, sont prêts à relever la tête et à s’infiltrer dans la moindre brèche ! Ils ont parfois le visage d’islamistes fanatisés, mais aussi de metteurs en scène dont l’impudence n’a d’égale que leur inculture crasse.
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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