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La Clémence de Titus à Angers Nantes Opéra – Peste brune au palais d’Atys – Compte rendu
Concepteur de la mise en scène, mais aussi du décor et des costumes, Pierre-Emmanuel Rousseau a choisi de situer l’intrigue dans les années 1930, dans un régime fascisant, à en juger d’après les tenues militaires omniprésentes. Titus a des airs de Duce, Vitellia a la tête d’Ingrid Thulin dans Les Damnés, et le happy end obligé prend ici un goût amer, avec un ultime coup de théâtre qu’on ne dévoilera pas. Et les différents lieux de Rome où Métastase situait l’action de son drame prennent ici l’aspect d’un « palais à volonté » de tragédie classique, qui rappelle très précisément le cadre quasi abstrait dans lequel Jean-Marie Villégier avait jadis situé Atys : entre ces panneaux de marbre veiné percés d’ouvertures symétriques, les portes claquent au premier acte, comme y invite d’ailleurs le livret où les personnages ne cessent de se croiser, avant d’être calcinées par l’incendie du Capitole, le sol étant alors jonché de cendres. Le tout dans un noir et blanc très élégant, le déplacement de quelques meubles et accessoires permettant de varier les atmosphères afin de mieux épouser les contours de l’action. Surtout, on sait gré à Pierre-Emmanuel Rousseau d’être aussi bien parvenu à animer les récitatifs et les airs, en nous montrant des êtres de chair et de sang, le travail sur le jeu d’acteur apparaissant de manière particulièrement frappante dans cas de Titus et de Vitellia.
© Jean-Marie Jagu
Dans la fosse, Nicolas Krüger est parfaitement au diapason de cette lecture, refusant tout ce qui pourrait donner à la partition un côté lisse ou marmoréen, jouant notamment des silences de l’ouverture pour sans cesse maintenir en éveil l’intérêt de l’auditeur : l’orchestre national des Pays de la Loire est prodigue en nuances, les tempos évoluent constamment, et l’action avance sans temps mort. Préparé par Xavier Ribes, le chœur d’Angers Nantes Opéra s’intègre sans peine à cet univers, participant aux événements sans se borner à les commenter comme c’est souvent le cas.
© Jean-Marie Jagu
Nouvelle venue dans l’équipe, remplaçant Maria José Lo Monaco initialement prévue en 2020, Julie Robard-Gendre offre au personnage velléitaire de Sesto un timbre opulent mais agile comme il se doit (dommage toutefois que certains R semblent comme escamotés), sa silhouette élancée se prêtant sans peine au travesti. Plus androgyne encore, Abigail Levis lui donne en Annio une réplique tout à fait adéquate, avec une voix bien distincte quoique dans la même tessiture. Olivia Doray confère à Servilia autant de relief que possible, et Christophoros Stamboglis est un Publio exceptionnellement sonore. Habitué des rôles de tyran mozartien – il était l’an dernier un inquiétant Lucio Silla à Bruxelles – Jeremy Ovenden campe un Titus d’abord irritable, violent, investissant chaque récitatif d’une vie dramatique qui crée une formidable impression de spontanéité ; les airs ne sont pas en reste, la voix se pliant sans difficulté à leurs exigences. On placera néanmoins tout au sommet la prestation de Roberta Mameli, actrice stupéfiante, depuis les scènes initiales où elle joue les vamps pour mieux enjôler Sesto, jusqu’aux dernières où elle succombe entièrement à la névrose visible dès la fin du premier acte, où elle commençait déjà à se frotter compulsivement les mains telle une autre Lady Macbeth. Mots sèchement ciselés ou déclamés avec une insistance sensuelle, le texte de Vitellia devient ici lourd de sens – peut-être faut-il y voir le fruit d’une longue fréquentation du répertoire baroque –, le tout culminant avec un « Non più di fiori » d’anthologie dont chaque phrase répétée semble se colorer différemment, et d’autant plus admirable que les notes les plus graves en sont émises apparemment sans effort.
Laurent Bury
Mozart : La Clemence de Titus – Nantes, Théâtre Graslin, vendredi 10 décembre ; prochaines représentations à Nantes les 12 (16h), 14, 16 (20h) et 18 décembre (18h) 2021 ; à Angers (sous la dir. de Pascal Rophé), Grand Théâtre les 16 (16h) et 18 (20h) janvier 2022 // bit.ly/3ypxyO0
Photo © Jean-Marie Jagu
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