En pleine floraison du théâtre musical, en 1985, est créée La Conférence des Oiseaux ; l’une des premières œuvres marquantes de Michaël Levinas (né en 1949), qui allait par la suite connaître une certaine prospérité et lancer le compositeur. Cet ouvrage, pour lequel Levinas, compositeur et auteur du livret, préfère l’intitulé « mélodrame lyrique » plutôt que « théâtre musical » ou « opéra », se veut une action scénique qui mêle une chanteuse et deux récitants, sertis d’un petit ensemble instrumental et d’un traitement électroacoustique. L’ouvrage, selon ce que nous a confié Levinas lui-même, n’a pas varié depuis le jour de sa création et les différentes reprises qui ont suivies (notamment au Festival de Montpellier en 1988 et en 2006 par l’Ensemble l’Itinéraire). Bien que l’évolution des techniques ait fait virer l’électroacoustique, de bandes magnétiques d’origine (à la charge de cinq opérateurs) à une réalisation informatique (qui ne nécessite plus que deux manipulateurs).

© 2e2m
 
Le livret, inspiré d’un conte du poète persan Farid Al-Din Attar (1140-1230), narre le voyage des oiseaux à la recherche de leur roi, pour finir par découvrir qu’il réside en chacun d’entre eux. Les oiseaux, par la voix parlée d’un seul comédien, sont menés par la Huppe, impartie à une soprano, entre des commentaires parlés du Narrateur. Trois personnages donc, avec au centre la voix de soprano mêlant chant et déclamation dans des tirades radicales qui s’opposent aux peurs des oiseaux rassemblés. La musique recourt à de longues tenues lancinantes, entre frôlements, détournements et séquences monocordes, à la charge de huit instrumentistes réunis ou en solo et de la transformation électroacoustique, entrecoupés de formes d’arias très lyriques pour la chanteuse. Un ouvrage original, dans son propos et sa texture, dont on comprend bon accueil qui lui fut réservé par le public et les institutions.
 
La nouvelle production de l’œuvre, inaugurée à Champigny au Centre Olivier-Messiaen (lieu tout indiqué, arborant le nom de ce compositeur qui s’est tant inspiré des oiseaux !), revient à l’ensemble 2e2m, qui l’a commanditée, dans une mise en scène de Lilo Baur. Celle-ci place les instrumentistes sur le plateau, comme autant d’intervenants scéniques, gestique incluse, pour tenir compagnie aux trois personnages figurés dans des parures et des poses ailées au sein de lumières crues sans autre décor que quelques oisillons de papier piqués sur des tiges métalliques. Immédiatement transmissible.
 
Raquel Camarinha, soprano aguerrie d’une plastique toujours expressive et vocalement assurée, tient avec ardeur la partie de chant soliste (dévolue en son temps au Festival de Montpellier à la chanteuse Sapho). Excellente participation des deux comédiens, Lucas Hérault et Hervé Pierre. Les huit composants de l’ensemble 2e2m ne manquent pas à leur mission sous la battue efficace de Pierre Roullier. Et le son amplifié et traité électroacoustiquement vient en situation, par les soins de Max Bruckert et Étienne Graindorge. Le spectacle sera bientôt repris, à Oullins et au Théâtre de l’Athénée.
 
Pierre-René Serna

 Levinas : La Conférence des oiseaux – Champigny-sur-Marne, Centre Olivier-Messiaen, 6 mars 2018. Reprises à Oullins, Théâtre de la Renaissance, Biennale Musiques en Scènes 2018 / Grame, 15 mars www.bmes-lyon.fr/events/la-conference-des-oiseaux ; Paris, Théâtre de l’Athénée, 6, 7, 10 et 11 avril 2018 www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/la_conference_des_oiseaux.htm
 
Photo © 2e2m