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​La Conjuration des fleurs de Bourgault-Ducoudray par la Compagnie de l’Oiseleur – Grand Prix de Rome d’horticulture – Compte-rendu

 
Bien sûr, plus personne ou presque ne connaît aujourd’hui Louis-Albert Bourgault-Ducoudray (1840-1910). En 1862, le jury lui décerna néanmoins le Grand Prix de Rome de préférence à Massenet, son condisciple dans la classe d’Ambroise Thomas. Il composa plusieurs opéras et opéras-comiques, des oratorios, une centaine de mélodies et de la musique symphonique. Professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Paris, il eut notamment pour élèves Debussy et Koechlin (bien avant le premier, il fut fasciné par le gamelan et conçut une Rapsodie cambodgienne). Rien de tout cela ne lui permit pourtant de jouir d’une gloire durable, et c’est grâce à la Compagnie de l’Oiseleur que ce quasi inconnu est remis sous le feu des projecteurs, comme bien d’autres qui ont bénéficié avant lui de ce soutien inespéré.

Malgré une pluie torrentielle, le public est venu nombreux assister à ce concert en hommage à Bourgault-Ducoudray, initialement prévu en février, mais qui avait dû alors être annulé in extremis. Quelques mois plus tard, avec une distribution légèrement modifiée par rapport à ce qui avait d’abord été annoncé, La Conjuration des fleurs faisait donc son retour pour de bon. Mais comme ce « petit drame satirique » est une partition assez brève, il avait été décidé de le précéder d’un florilège de mélodies du compositeur, lui-même précédé d’un extrait de son Stabat Mater (1868), conçu sous l’influence de la musique ancienne italienne découverte durant son séjour à la Villa Médicis.

 

Louis-Albert Bourgault-Ducoudray (1840-1910) © Palazzetto Bru Zane - fonds Leduc

Les dix mélodies offrent à chacune des artistes réunies pour le concert, ainsi qu’à Loiseleur, l’occasion de s’exprimer en soliste, et permettent au public de découvrir les harmonies raffinées de Bourgault-Ducoudray. On retient surtout les trois ambitieuses pièces extraites de son recueil Le Chant de la Bretagne (1892) sur des poèmes d’Anatole Le Braz : ces mélodies très amples reflètent l’engagement du compositeur en faveur de sa Bretagne natale, dont il collecta et harmonisa le folklore, mais témoignent avant tout d’une richesse d’inspiration qui justifient amplement la redécouverte.

Si Bourgault-Ducoudray est, comme on peut le supposer, l’auteur du livret de sa Conjuration des fleurs (1883), il ne manquait ni d’esprit ni de talent pour manier la plume. Le texte imagine une révolte des fleurs, menée par le Souci, qui décident de se choisir une reine : chaque candidate prononce un discours de campagne, mais c’est finalement la Rose qui est désignée. C’est une excellente idée d’avoir confié le rôle du Souci à Marion Gomar (photo), car la soprano est une admirable diseuse, comme elle le montre avec la mélodie qu’elle interprétait en première partie, dont elle avait su faire un véritable moment de théâtre. Deux sopranos coloratures rivalisent d’aigus : Clara Bellon en Laurier prétentieux et Véronique Housseau en humble Marguerite.
 

Elena Rakova © elena-rakova.com

Vient ensuite la ténébreuse Pensée incarnée par Elena Rakova, dont on avait déjà pu remarquer le dramatisme puissant dans la mélodie « L’harmonie ». A Sonnay Fay revient le lourd privilège de chanter la Bretagne avec le grand air de la Fleur de la lande. En Coquelicot et Bleuet, Aurélie Ligerot et Mathilde Rossignol forment un élégant duo soprano-mezzo. Quant à la contralto Gabrielle Savelli, dont le timbre grave avait fait merveille dans la « Berceuse d’Armorique », le rôle de la Fougère ne lui accorde hélas aucune intervention développée. Jacques-François Loiseleur des Longchamps s’est réservé le rôle du Génie, qui vient rappeler les fleurs à la raison. Et tout au long de la soirée, le public aura apprécié l’érudition et l’humour du pianiste et chef de chant Benjamin Laurent, qui aura guidé les artistes tout au long de la préparation de ce concert. Qu’attendent encore les autorités pour accorder à la Compagnie de l’Oiseleur les subventions qu’elle mérite amplement ?

Laurent Bury 

 

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Louis-Albert Bourgault-Ducoudray : La Conjuration des fleurs – Paris, Temple du Luxembourg, 9 octobre 2024
 
Photo © Matthieu Munoz

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