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La Dame blanche à l’Opéra-Comique – En toute simplicité – Compte-rendu
Créée le 10 décembre 1825 sur la scène du Théâtre Feydeau, La Dame blanche marque la rencontre de deux générations, celle de François-Adrien Boïeldieu (1775-1834), compositeur largement acclamé, et d’Eugène Scribe (1791-1861), librettiste au commencement d’une des carrières les plus prolifiques de l’histoire de l’opéra (il avait tout de même déjà 16 livrets à son actif au moment d’attaquer celui de La Dame blanche et en a signé ... 124 au total !). Un rencontre réussie qui, sur un texte inspiré du Monastère de Walter Scott, a conduit un musicien stimulé par l’exemple de Rossini, mais aussi marqué par la découverte du Freischütz de Weber en 1824, à signer la partition à laquelle la postérité l’associe le plus étroitement. Un ouvrage « spirituel et vrai, animé et dramatique » (Rossini dixit) dont Liszt loua « la parfaite unité entre le texte et la musique », aspect qui explique sans doute beaucoup de l’admiration que Wagner éprouvait pour lui
Après une très jolie Bohème « de poche » en 2018 à Favart (1), Pauline Bureau est de retour pour une production synonyme de simplicité et de fraîcheur. La littéralité et la lisibilité de son approche vont de pair avec une mise en scène que le spectateur en quête d’effets hors de propos pourrait qualifier de sage, mais qui se révèle pleine de détails, de clins d’œil, d’expressions (tel le trio de l’acte I, derrière la table, d’une piquante drôlerie), qui joue aussi avec la dimension fantastique de l’ouvrage – elle ne trompe personne – pour composer des atmosphères avec une dimension BD aussi assumée qu'attachante (Emmanuelle Roy signe les décors, Alice Touvet les costumes, Nathalie Cabrol la vidéo et Benoît Dattez les tours de magie). Sans doute la dynamique du spectacle eût-elle gagné à quelques coups de ciseaux dans les dialogues, un brin longuets, de l’acte 2, bien que les interprètes se révèlent excellents dans les passages parlés.
La proposition de Pauline Bureau n’est que l’écho de ce qui fait le charme et la saveur si particulières de la musique de Boïeldieu. Que de vie et d’allant Julien Leroy lui apporte-t-il à la tête de l’Orchestre national d’Ile-de-France ! Une fois passé le temps de mise en jambe de l’ouverture, les musiciens montrent toute leur expérience lyrique (acquise sous le mandat d’Enrique Mazzola) emmenés par une baguette aussi preste que nuancée (mention spéciale pour la harpe de Florence Dumont). On connaissait les qualités du jeune chef français dans le répertoire contemporain ; il révèle ici une autre facette de son talent et, par sa battue aussi allante que fouillée, contribue pour beaucoup à l’énergie collective qui porte le spectacle.
La France est gâté côté ténors en ce moment. Après un Comte Ory remarqué sur la scène de Favart en décembre 2017, Philippe Talbot (photo à g.) campe un Georges Brown autant à son aise dans sa hâbleuse vaillance militaire que sur son versant secret et tendre. Bien accordée à ce tempérament, Elsa Benoit (photo à dr.) est une Anna d’une luminosité et d’une présence scénique remarquables. Yann Beuron, d’une belle voix sombre, offre un Dickson plein d’humanité et de pittoresque, parfaitement apparié à la Jenny de Sophie Marin-Degor (dont la ballade de l’Acte I ne passe pas inaperçue). Aude Extrémo compose un personnage troublant dans le rôle de veille nourrice Marguerite, tandis que Jérôme Boutillier – l’un des plus remarquables barytons français de la jeune génération – sait montrer à la perfection le cœur vide et cruel de Gaveston, sans jamais forcer le trait. Irréprochable Mac-Irton de Yoan Dubruque. Après les Bains Macabres de Guillaume Connesson à l’Athénée, le chœur Les Eléments de Joël Suhubiette mérite ici aussi force éloges, tant pour sa remarquable préparation que son implication.
Alain Cochard
Boïeldieu : La Dame blanche – Paris, Opéra-Comique, 22 février, prochaines représentations les 24, 26, 28 février et 1er mars 2020 // www.concertclassic.com/concert/la-dame-blanche
Photo © Christophe Raynaud de Lage
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