Plus souvent donnée en italien qu’en français, La Favorite de Donizetti, grand opéra en quatre actes et un ballet créé à Paris en 1840 à l’Académie Royale de Musique, retrouve à Liège sa version d’origine dans une coproduction avec La Fenice de Venise. Louable retour aux sources, mais la représentation est handicapée par la mise en scène de Rosetta Cucchi et les décors de Massimo Checchetto où le plastique règne en maître. La nature (en l’occurrence des végétaux) conservée dans des coffres funéraires devient le témoignage d’un passé révolu rappelant les problèmes écologiques de notre planète.
 
La conception d’ensemble fait allusion à une actualité brûlante et l’on éprouve quelque difficulté à vivre le drame triangulaire de Léonore de Guzman, de son amant Fernand qui quitte les ordres pour une carrière militaire afin d’assouvir sa passion, et du roi Alphonse XI de Castille dont Léonore est la favorite. Comment se retrouver dans cette vision futuriste où les femmes habillées de voiles blancs et coiffées de perruques tombantes de la même couleur restent totalement soumises aux guerriers ? Le livret déjà complexe n’appelle pas tant d’interprétations. L’intérêt de ce spectacle réside ailleurs, plus dans la qualité des chanteurs que dans ses vertus théâtrales.

© Lorraine Wauter - Opéra Royal de Wallonie

Dans le rôle-titre, Sonia Ganassi trouve progressivement ses marques et impose un timbre de toute beauté doublé d’une diction exemplaire (grand air « O mon Fernand »). Celso Albelo ne manifeste pas des qualités d’acteur très convaincantes bien qu’il donne à Fernand toute sa dimension vocale, manifestant une projection plutôt impressionnante. Peu à l’aise dans la langue de Molière, Mario Cassi (Alphonse XI) souffre d’une une émission parfois engorgée.
Moins sollicités, Ugo Guagliardo incarne le moine Balthazar avec présence et Matteo Roma fait bonne figure en officier Don Gaspar. Mention particulière à la jeune soprano belge Cécile Lastchenko (artiste résidente à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth auprès de José Van Dam) très à l’aise dans le rôle d’Inès, confidente de Léonore et qui remporte les suffrages du public. Les seigneurs, dames de la Cour, pages, gardes, moines, novices et pèlerins bénéficient de l’homogénéité du Chœur de l’Opéra (préparé par Pierre Iodice), mais la chorégraphie de Luisa Baldinetti reste bien sommaire. L’orchestre maison, moins en verve que l’habitude, souffre de la direction de Luciano Acocella (pourtant familier des scènes lyriques) qui accuse les contrastes parfois avec brutalité et ne sert finalement pas les instrumentistes. Accueil mitigé pour cette Favorite en deça de nos attentes.
 
Michel Le Naour

Donizetti : La Favorite – Liège -Opéra Royal de Wallonie 18 novembre, dernière représentation le 28 novembre 2017  / www.operaliege.be/fr/activites/la-favorite
 
Photo © Lorraine Wauters