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La Flûte enchantée à l’Opéra-Comique – Drolatique féerie – Compte-rendu
Vrai délice qu’une production qui, c’est tant mieux, met largement de côté, sans totalement la négliger, la dimension maçonnique pour jouer à plein la carte de la fantaisie et de la naïveté dans une mise en scène se référant tout à la fois à l’univers du film d’animation et à celui du cinéma muet avec ses acteurs au visage cérusé. Exit les dialogues en allemand ! : ils sont remplacés par des « cartons », prétexte à quelques jolies trouvailles graphiques, tandis que, dans la fosse, un pianoforte interprète ou réinterprète – avec une cocasse impertinence souvent ! – des extraits des Fantaisies en ré mineur et en ut mineur de Mozart.
Ces transitions ne nuisent aucunement à la fluidité des choses ; ils constituent plutôt des moments de respiration dans le cours d’un spectacle qui, de bout en bout, éblouit par son invention foisonnante, sa débauche d’images et de couleurs (de quelle virtuosité Paul Barrit, auteur des animations, fait-il preuve !). Il transforme l’ouvrage de Mozart en une drolatique féerie où une large frange du règne animal – d’un sympathique chat noir aux habitants des fonds marins, en passant par les papillons et les éléphant(e)s roses, sans oublier une araignée géante qui n’est autre que ... la Reine de la nuit – tient compagnie aux humains. Impossible de raconter cette Flûte, il faut en faire l’expérience. Et quant à ceux qui, préférant – libres à eux – les fausses audaces capillotractées de metteurs en scène à messsâââge, parleraient de trahison ... Non ! Le travail de Kosky et 1927 nous semble on ne peut plus proche de l’esprit d’une œuvre qui fit la joie d’un public populaire à Vienne en 1791.
Sacrée performance de la part des chanteurs que de parvenir à s’intégrer avec autant d’habileté à pareille mécanique de précision ! L’option, qui implique beaucoup de statisme ou de sur-place pour les protagonistes, n’est guère confortable sur le plan vocal. La distribution ne présente certes rien de superlatif, mais il convient d’abord de louer le formidable esprit de troupe qui règne dans cette Zauberflöte – espérons qu’une collaboration régulière se mettra en place entre le Comique et la Komische Oper. Le Tamino à l’émission trop serrée de Tansel Akzeybek, convainc évidemment moins que la fraîche Pamina de Vera-Lotte Böcker. On aime aussi le busterkeatonien Papageno de Dominik Köninger, justement applaudi, et Martha Eason en Papagena danseuse de revue.
Perchée dans les hauteurs, la Reine de la Nuit-araignée de Christina Poulitsi ne dispose que d’un ovale pour passer le visage. Pas le plus commode pour affronter ses redoutables airs... - mais les contre-fa sont bien là ! Beaucoup d’humanité et de clarté d’articulation de la part de Wenwei Zhang (Sarastro et Orateur). Johannes Dunz, sous ses airs de Nosferatu, campe un Monostatos auquel on ne reprocherait pas de forcer un brin dans la noirceur. Des rôles des Trois Dames, dont beaucoup de metteurs en scène ne savent que faire, Kosky tire un parti comique étonnant qui vaut un franc succès à Nina Bersteiner, Gemma Coma-Alabert et Nadine Weissmann. Parfaits garçons issus du Tölzer Knabenchor et belle prestation du Arnold Schœnberg Chor.
Kevin John Edusei mène prestement ses musiciens de l’Orchestre de la Komische Oper Berlin. Au fil des représentations, il apprivoisera la fosse – toujours aussi sonore ... – de Favart.
Reste qu’un spectacle que vous pouvez sans hésitation désigner en réponse à la question « Que choisir pour faire aimer l’Opéra à un gamin qui n’y a jamais mis les pieds ? », cela mérite beaucoup de respect.
Alain Cochard
PS : A ne pas oublier dans le cours de la semaine mozartienne du Comique, la belle parenthèse de mélodie française proposée par Tassis Christoyannis et Jeff Cohen le 10 novembre.
Photo © Iko Freese
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