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La Flûte enchantée à l’Opéra de Dijon – Mozart post-apocalyptique– Compte-rendu
La vision que propose le metteur en scène David Lescot de la Flûte enchantée à l’Opéra de Dijon ne manque pas d’inventivité. A la tête de ses Talens lyriques, David Rousset, après Mithridate, Cosi fan tutte et La Clémence de Titus, s’empare d’une œuvre aux multiples facettes pour imposer une interprétation assez sombre et dramatique servie par un plateau vocal de toute beauté.
Au sein d’une scénographie post-apocalyptique en voie de recomposition écologique due à Alwyne de Dardel se déroule une histoire de famille qui, dès l’ouverture, nous est relatée en vidéo. L’interprétation très personnelle du livret de Schikaneder introduit une liaison amoureuse antérieure entre La Reine de la nuit et Sarastro, suivie d’un divorce puis de l’abandon de leur fils Papageno qui ne connaît pas encore sa sœur aînée Pamina. Un paysage désolé sous un soleil de plomb sert de décor au premier acte, et le sous-sol faiblement éclairé d’un centre commercial abandonné à la laideur savamment cultivée occupe la seconde partie. Le caractère féerique de l’ouvrage est mis en sommeil au profit d’une explication politico-philosophique plus proche de l’ombre que de la lumière maçonnique. Cela peut dérouter mais fonctionne finalement assez bien.
Dans la fosse, l’orchestre rivalise de clarté, de fluidité et de couleurs sous la direction de David Rousset attentif au dosage des pupitres et à l’équilibre global. Sa conception apollinienne, voire solennelle surprend parfois par la lenteur de certains tempi, et le retour aux sources manque globalement de volubilité malgré des dialogues habilement raccourcis qui permettent d’enchaîner aisément les différentes séquences.
Constituée de jeunes chanteurs, la distribution touche la perfection tant par la qualité de la diction que l’homogénéité d’ensemble. La prestation dominée de Jodie Devos en Reine de la nuit enthousiasme non seulement par ses prouesses vocales, mais surtout par les états d’âme qu’elle dégage, entre émotion et fureur : une prise de rôle assumée avec beaucoup d’aplomb. Superbe caractérisation de Tamino par Julian Prégardien, prince de grande lignée au matériau vocal très riche et à la parfaite ligne de chant.
A ses côtés, le Papageno de Klemens Sander ne joue pas dans le registre de l’oiseleur naïf mais apporte un grain de fantaisie dans ce monde peu amène. Timbre subtil et fruité de la Pamina de Siobhan Stagg, Orateur de Christian Immler, en pleine possession de ses moyens, et Monostatos de Mark Omvlee moins noir et caricatural qu’à l’ordinaire. La Papagena est incarnée avec humour par Camille Poul : la scène où elle se dévêt de ses habits d’oiseau pour paraître à Papageno dans toute sa splendeur offre un séduisant moment de naturel et de grâce.
Seule la basse Dashon Burton en gourou dominateur ne correspond pas au Sarastro de légende ; il réussit cependant intelligemment à combler son absence de graves (air « Ô Isis und Osiris ») en s’imposant sur le plan théâtral dans la dernière partie de l’œuvre.
Une mention particulière pour les trois Dames (Sophie Junker, Emilie Renard, Eva Zaïcik) bien différenciées : par leur décontraction et leur allure provocatrice elles préfigurent les filles du Rhin de la Tétralogie. Une manière de prolonger la réflexion ouverte par cette Flûte enchantée hors des sentiers battus.
Michel Le Naour
Mozart : La Flûte enchantée - Dijon, Opéra, 25 mars 2017
Photo © Gilles Abegg / Opéra de Dijon
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