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La Gazzetta à l’Opéra Royal de Liège – lagazzetta.com – Compte-rendu
Ecrit pour le Teatro dei Fiorentini de Naples en 1816, l’opéra buffa La Gazetta (une partition en dialecte napolitain sur un argument de Goldoni) est plus que rare sur les scènes. La nouvelle production de l’Opéra Royal de Wallonie bénéficie de l’apport du musicologue américain Philip Gossett qui a authentifié le quintette du Ier acte, redécouvert en 2012 à Palerme. Une première en quelque sorte, à mettre au crédit de la curiosité insatiable de Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur de l’Opéra Royal de Wallonie.
La Gazzetta précède de peu la composition de La Cenerentola dont on reconnaît l’ouverture dès le lever de rideau. Selon un procédé qui lui est propre, Rossini pratique sans états d’âme le copier-coller. D’une intrigue assez mince autour de l’histoire de deux pères bernés qui finissent par faire contre fortune bon cœur en acceptant le mariage de leurs filles, Rossini multiplie scènes bouffonnes, quiproquos, avec la jovialité et le sens du divertissement dont il est coutumier.
Le décor de Jean-Guy Lecat, qui représente une façade puis l’intérieur d’un hôtel de rendez-vous des années 1900 où les personnages se croisent comme dans une pièce de Feydeau, permet à la mise en scène de s’épanouir dans une débauche d’effets en cascade parfois épais. L’action hésite entre le respect du texte et la volonté d’actualiser, transformant la gazette, où l’on a passé une annonce de mariage, en un site de rencontres.
Téléphones portables, ordinateurs, ascenseurs créent un décalage exploité au maximum par Stefano Mazzonis di Pralafera. Au Paris de la Belle Epoque se superpose l’actualité de notre monde contemporain sur un écran de télévision diffusant en continu les programmes de CNN (avec des images de la guerre d’Irak, d’un match de Nadal ou de la coupe du monde de football !). Les costumes bariolés de Fernand Ruiz, volontiers provocateurs, renvoient à l’univers de Pedro Almodóvar et ne passent pas inaperçus. La scène finale où le père, Don Pomponio, croit recevoir une ambassade turque, rappelle avec brio le Monsieur Jourdain du Bourgeois Gentilhomme.
Du plateau vocal, on retiendra surtout l’aisance du jeune ténor uruguayen Edgardo Rocha dans le rôle du soupirant Alberto. Sa fougue contagieuse et son chant assuré de belcantiste emportent l’adhésion : il se produira cet été à Salzbourg aux côtés de Cecilia Bartoli. Son acolyte l’aubergiste Filippo, incarné par Laurent Kubla, croit vraiment à ce qu’il chante mais manque de graves. Don Pomponio d’Enrico Marabelli, plus fat que nature, interprète avec naïveté et bonhomie le rôle caricatural du père. Sa fille Lisetta trouve en Cinzia Forte une musicienne d’une belle agilité vocale mais parfois en défaut de justesse dans les aigus. La Doralice de Julie Bailly, fine et mutine, apporte une note de fraîcheur au milieu de cet imbroglio où la farce de la commedia dell’arte le dispute à la tendresse des rapports amoureux. Monica Minarelli campe Madame La Rose haute en couleur, qui fait commerce de ses charmes avec un naturel désarmant.
A la tête de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie, le chef néerlandais Jan Schultsz ne se perd guère en conjectures. Plus à l’aise dans les gradations dynamiques que dans l’accompagnement des chanteurs, sa direction assez terre à terre préfère la précipitation à la respiration. Cela handicape l’exécution d'une partition plus théâtrale que musicale qui exige souplesse, légèreté, mobilité.
Michel Le Naour
Rossini : La Gazzetta – Liège, Théâtre royal, 20 juin, dernière représentation le 28 juin 2014
Photo © Opéra Royal de Wallonie
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