Avec cette production datée de 2001 de La Khovantschina, l’Opéra Bastille reprend un spectacle qui n’a pas pris une ride. Andrei Serban a tiré, de l’affrontement entre les tenants de l’intégrisme religieux et de la modernité naissante du règne de Pierre Le Grand, une fresque haute en couleur où la dimension psychologique des personnages s’intègre parfaitement aux scènes d’ensemble. L’héroïsme rappelle, par le flottement des drapeaux rouges et des chorégraphies de masse, les époques de l’Armée Rouge ou de la Révolution culturelle avec les soldats en armes, tandis que le caractère onirique de l’acte final et du suicide collectif par les flammes des Vieux-Croyants offre un grand moment de théâtre.

La version choisie est celle réalisée en 1959 par Chostakovitch à partir de la partition pour piano et chant terminée par Moussorgski. Dans la fosse, Michail Jurowski (père des chefs d’orchestre Vladimir et Dmitri), rend toute l’épaisseur et la densité de l’œuvre avec une sûreté et une absence d’effet dont les musiciens de l’Opéra tirent le plus grand bénéfice. On appréciera en particulier la justesse stylistique du Prélude, et la scène conclusive conduite avec une puissance expressive contenue. Les voix (essentiellement russes) possèdent une homogénéité globale dont se détache la sensibilité écorchée de la Marfa de Larissa Diadkova, aussi étonnante en pythonisse annonciatrice du destin de Golitsine qu’émouvante d’humanité dans son désir de sauver son ancien amant, Andrei Khovanski, incarné avec beaucoup de style par Vladimir Galouzine.

Doté d’une autorité physique et vocale impressionnante, Gleb Nikolsky campe un Prince Ivan Khovanski aussi imposant de noblesse que saisissant de brutalité. En chef des Vieux-Croyants, le Dosifei d’Orlin Anastassov porte toute l’angoisse et l’intransigeance mystique d’une communauté condamnée par l’Histoire. Les Chœurs préparés par Alessandro di Stefano participent au succès du spectacle, aussi bien par leur engagement que par leur cohésion. Une vision pertinente et d’une réelle force dramatique qui rend bien justice à une partition bouleversante et tragique relatant l’un des moments les plus forts de la geste russe.

Michel Le Naour

Moussorgski : La Khovantschina - Paris, Opéra Bastille, 22 janvier, puis les 25, 28, 31 janvier & les 3, 6, 9 février 2013

> Programme détaillé et réservations de l'Opéra Bastille

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber