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La Princesse de Trébizonde à l’Opéra de Saint-Etienne - Entre rire et magie - Compte-rendu
L’Opéra Théâtre de Saint-Etienne aura fait beaucoup pour la redécouverte de la musique française cette saison et pas seulement en faveur Massenet dont a pu entendre l’étonnant Mage en version de concert à la fin de l’année passée (1). Dernière production lyrique de la saison stéphanoise, La Princesse de Trébizonde de Jacques Offenbach était impatiemment guettée.
La rareté de la partition, bien injustement négligée, et la présence de Waut Koeken et de son équipe pour la mise en scène ne pouvaient il est vrai qu’attiser l’envie de faire le déplacement à Saint-Etienne.
Initialement conçu (dans une version en deux actes) pour Baden Baden, où on le créa le 31 juillet 1869, l’ouvrage fut repris le 7 décembre de la même année aux Bouffes Parisiens, dans une nouvelle mouture en trois actes. On l’oublie mais La Princesse de Trébizonde fut l’un des très grands succès d’Offenbach et demeura énormément joué en France et à l’étranger (Australie et Etats-Unis compris) jusqu’à la fin du XIXe siècle.
On sait gré à l’Opéra de Saint-Etienne d’avoir permis la redécouverte d’une œuvre délicieuse que Waut Koeken et le dramaturge Benjamin Prins abordent avec un mélange de fantaisie, d’énergie et de tendre dérision, qui fait osciller cette production entre rire et magie. La modernisation des dialogues s’autorise force clins d’œil à l’actualité – un prince « normal », un début d’anaphore « Moi, père de famille », un jubilatoire « Mariage pour tous ! » à la fin du III, etc. ; tout cela amené avec un tact qui n’est pas pour étonner dans un spectacle signé Waut Koeken.
Moins d’airs entêtants dans La Princesse de Trébizonde que dans d’autres réalisations fameuses d’Offenbach sans doute, mais l’ouvrage recèle cependant une grande richesse musicale ; des mélodies, des couleurs qui regardent parfois vers les Contes d’Hoffmann. Un « conte de fées comico-romantique, articulé autour des vicissitudes amoureuses de trois couples improbables », dit le metteur en scène d’un ouvrage dont il saisit toute la saveur, ambiguë souvent, avec le précieux concours de Benoît Dugardyn (scénographie), Carmen van Nyvelseel (costumes) et Nathalie Perrier (lumières). La transformation du carrousel du I en une immense cage-prison dorée au II – car nos croquignolesques forains on tiré le n°1313 et gagné un château à la loterie… – n’est pas moins convaincante que l’imbrication du monde forain et de l’univers des têtes couronnées proposée au III.
Formidable plateau, tant sur le plan vocal que théâtral, avec à sa tête l’irrésistible Cabriolo de Lionel Peintre qui joue de la diversité de caractère de son personnage avec une virtuosité stupéfiante. Bête de scène aussi que Marie-Thérèse Keller qui, avec l’impayable Sparadrap d’Antoine Normand, forme un couple… haut en couleur. On n’est pas moins conquis par la paire formée de l’enthousiaste Tremolini d’Emiliano Gonzalez Toro et de la piquante Régina de Romie Estèves. Quant à la fraîche Amel Brahim-Djelloul, irrésistible Zanetta, elle trouve en Marie Kaline Le Prince de conte de fées qu’il lui faut. Raphaël Brémard (Le Prince Casimir) et Christophe Bernard (Le Directeur de la loterie) ne sont pas moins à leur place dans leurs rôles respectifs.
Et quelle contagieuse énergie porte le spectacle d’un bout à l’autre. Une fois de plus s’agissant de l’Opéra de Saint-Etienne, on est heureux de saluer le travail remarquable de Laurent Campellone à la tête des musiciens de l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire ; leur engagement total fait chaud au cœur.
Une découverte que cette Princesse de Trébizonde, certes, mais une fête d’abord. Et la réussite d’une équipe !
Alain Cochard
(1) Un enregistrement paraîtra bientôt dans la collection Opéra Français du Palazzetto Bru Zane
Offenbach : Le Princesse de Trébizonde – Saint-Etienne, Opéra Théâtre, 17 mai, dernière représentation le 21 mai 2013.
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Photo : Cyrille Cauvet
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