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La Straniera de Bellini à l’Opéra de Marseille - Une étrangère sur la Cannebière - Compte-rendu

Les difficultés vocales et les faiblesses du livret de La Straniera, opéra composé par Bellini en 1829, entre Il Pirata et Zaïra, sont certainement à l’origine de sa rareté sur les scènes lyriques. Imaginé pour un plateau rompu aux exigences belcantistes, il est construit autour du personnage central d'Alaïde, en fait Agnese, reine contrainte à vivre dans son royaume comme une étrangère, dont Arturo tombe amoureux le jour de ses noces avec Isoletta ; lorsque ce dernier apprend l'identité de celle qu'il aime, il met fin à ses jours tandis qu'expire la malheureuse Alaïde.

Sujet romantique comme on les affectionnait au XIXème siècle, La Straniera malgré de beaux moments qui rappellent quel grand mélodiste était Bellini, manque de cohésion et de tenue dramatique, certaines scènes mal agencées ou peu inspirées musicalement - notamment celles réservées au personnage d'Isoletta – faisant retomber l'attention. Passées quelques longueurs initiales, l'ouvrage démarre enfin avec la poétique apparition au lointain d'Alaïde, campée par la merveilleuse Patrizia Ciofi. La cantatrice qui a déjà abordé le rôle à Londres en 2007 (live publié par Opera Rara) campe à nouveau vaillamment cette héroïne au format sans doute limité, mais dont la beauté et la noblesse conviennent idéalement à son tempérament et à sa musicalité. Ce personnage partagé entre l'amour et la raison d'état, qui perd pied, se ressaisit puis s'abandonne, trouve en Patrizia Ciofi une interprète de choix, passionnée pendant le long duo avec Arturo « Ah non ti lusingar », vibrante pendant le trio où se joint Valdeburgo « No, tu non hai rivale » et déjà proche du délire à la fin du 1er acte ( « Un grido io sento »). Belle, expressive, à la fois fragile et corsée, la voix puise comme toujours dans d'infinies ressources pour se surpasser, réaliser de véritables prodiges et venir à bout de l'exaltante cabalette conclusive « Or sei pago o ciel tremendo », couronnée par un splendide contre-ré. Après Lucia di Lammermoor à la Bastille, la saison 2013-2014 s'annonce décidément glorieuse pour la soprano italienne.

Plus habitué aux rôles spinti qu'à ceux créés par Rubini, ou comme ce fut le cas pour la première milanaise de Domenico Reina, Jean-Pierre Furlan affronte avec courage le rôle tendu d'Arturo, luttant parfois contre une émission grelottante, mais veillant à chanter legato et à privilégier un registre aigu plutôt aisé. Ludovic Tézier après plusieurs prestations remarquées dans le répertoire bel cantiste (Il Pirata, La Favorite et Lucia di Lammermoor), confirme avec Valdeburgo la qualité d'un chant de grande école et une parfaite adéquation stylistique, tandis que Karine Deshayes pour ses débuts marseillais, parvient à se distinguer en interprétant le personnage plutôt sommaire d'Isoletta, avec beaucoup de soin. Belle présence de Nicolas Courjal (Prieur et Montolino), Osburgo rocailleux de Marc Larcher, chœurs robustes, le tout étant dirigé avec clarté, rigueur et compétence par Paolo Arrivabeni qui reprendra cet ouvrage à Vienne avec Edita Gruberova, en 2015.

François Lesueur

Bellini : La Straniera - Marseille, Opéra, 31 octobre 2013
www.opera-marseille.fr

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Photo : DR
 

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