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La Traviata au Festival Castell Peralada 2019 – Rien ne va plus, faites vos jeux ! – Compte-rendu

Déchue et misérable, condamnée à mort pour avoir trop aimé le plaisir et imaginé qu'elle pourrait régir son existence selon son bon vouloir, Violetta Valéry meurt rarement sur son lit : combien de fois a-t-elle dû ramper au sol, agoniser sur une vulgaire paillasse, rendre l'âme sur un piano à queue ou tendre les bras vers le ciel depuis un fauteuil de fortune ...
Dans la nouvelle production de Paco Azorin présentée cet été à Peralada, la célèbre dévoyée décède sur un billard, symbole de sa condition de femme débauchée et entretenue, grisée par le luxe, l'argent et l'oubli de soi. L'univers du jeu et des fêtes incessantes dans lesquelles se vautre Violetta, traduisent ici une irréversible fuite en avant, contrebalancée par les images fantasmées d'une vie stable et rangée où l'héroïne se voit enceinte, puis mère d'une enfant présente à ses côtés à plusieurs moments-clés du drame.
 
Quinn Kelsey (Germont père) & Ekaterina Bakanova (Violetta) © Tito Ferrer

Très investie scéniquement, Ekaternia Bakanova se donne tout entière à ce combat perdu d'avance, sa Traviata ne pouvant s'opposer qu'illusoirement à la volonté des hommes et en premier lieu à celle du père d'Alfredo qui vient contrecarrer ses plans. Si la soprano russe connaît parfaitement son rôle, elle rate cependant le premier acte où l'aisance technique et le style font défaut. Plus dramatiques, les actes suivants la voient reprendre le dessus grâce à un timbre attachant et à un engagement physique proche de celui d'une Vesselina Kasarova qui lui permettent de façonner les nombreuses facettes d'un personnage dont l'espoir de bonheur aura été de courte durée.

Face à cette cantatrice habitée, René Barbera est bien plus en retrait d'un point de vue théâtral : gauche en scène, son délicat « tenore di grazia » capable de légèreté et de raffinement, notamment au second acte lors de la cabalette « O mio rimorso », dont il sort victorieux à la différence de nombreux confrères, tranche avec la violence du propos voulu par le metteur en scène. Habituellement plus débonnaire malgré son autorité, Germont père est pour Paco Azorin un monstre froid et cynique qui ne manifeste aucune pitié envers Violetta, qu'il semble heureux de mépriser et de voir souffrir – « Piangi, piangi » n'a rien ici de consolant – et qui se plait à humilier son fils en le jetant régulièrement à terre. Quinn  Kelsey, comme dans son Amonasro d'Orange en 2017, est un excellent baryton verdien dont le timbre affûté et expressif conviennent au personnage de Germont, sa ligne souple et les couleurs qu'il tente d'apporter étant cependant plus d'une fois contrariées par l'interprétation volontairement agressive et brutale qui lui est demandée.

Rôles secondaires bien tenus, chœur impeccablement préparé par José Luis Basso et direction plutôt satisfaisante de Riccardo Frizza, à la tête de l'Orchestre symphonique du Liceu, dont les tempi sont moins fluctuants que d'habitude, cette Traviata sera reprise à l'Opéra d'Oviedo en 2020-2021.

François Lesueur

Verdi : La Traviata  – Festival Castell Peralada, 7 août 2019

Photo © Toti Ferrer

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