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La Traviata aux Chorégies d’Orange – La chair de l’émotion - Compte-rendu
Toujours aussi populaire, La Traviata a de nouveau attiré la foule des grands soirs aux Chorégies d’Orange. Casting de rêve avec la Violetta de l’Albanaise Ermonela Jaho qui, après une émouvante Butterfly in loco en juillet, remplace Diana Damrau, souffrante. Cerise sur le gâteau, Plácido Domingo, Germont de prestige, fête son retour au Théâtre antique après une apparition il y a trente-huit ans – mais comme ténor – dans Samson et Dalila.
La sobriété du décor, constitué d’un gigantesque miroir brisé d’où entrent et sortent les protagonistes, permet à Louis Désiré (metteur en scène et scénographe de la production) de se focaliser sur la psychologie des personnages. Peu de décorum et des mouvements de foule contrôlés avec les excellents chœurs des Opéras d’Angers-Nantes, Avignon, Marseille, bien coordonnés par Emmanuel Trenque.
Les images vidéo conçues par Diego Méndez Casariego – également créateur de costumes très élaborés – apportent un précieux support visuel au drame qui se noue. Lustres allumés de la fête, sous-bois de Saint-Germain pour l’escapade amoureuse, larmes du désespoir et rougeoiement de la passion mortifère ponctuent les différentes scènes jusqu’à la mort de l’héroïne en pleine lumière.
Francesco Meli (Alfredo), Ermonela Jaho(Violetta) et Plácido Domingo (Germont) © Kris Picart
Ermonela Jaho, frémissante et bouleversante, incarne une Violetta de chair et de sang dont la voix, un peu retenue au début, trouve progressivement ses marques. Elle affirme au fil du spectacle un sens théâtral très fort par sa manière d’instiller au personnage force et faiblesse, renoncement et lutte contre la mort.
L’Alfredo de Francesco Meli, stylé, sans se hausser sur les hauteurs interprétatives, sait faire vibrer ses sentiments. Capable d’élans lyriques, de tendresse, et non dénué de charme, il réussit à faire passer ses états d’âme et les fêlures de sa personnalité prise entre passion, déconvenue et remords.
La palme revient pourtant à Plácido Domingo, étonnant de présence à soixante-quinze ans qui, par son humanité, rend Germont moins antipathique et veule que d’ordinaire. La stabilité de sa voix transparente de baryton garde des traces de son passé de ténor, mais s’avère également d’une solidité à toute épreuve dans le registre grave. Sa puissance d’émission continue d’impressionner, comme sa noblesse de ton dans un rôle qu’il s’est pleinement approprié. Le public lui fait à juste titre un triomphe à la hauteur de son engagement.
Seconds rôles bien distribués avec une mention toute particulière pour la Flora sensuelle d’Ahlima Mhamdi, l’homogénéité de timbre d’Anne-Marguerite Werster en Annina. Du côté masculin, on retient la profondeur de Nicolas Testé (Le Docteur Grenvil) et l’assurance de Laurent Alvaro (Le Baron Douphol).
Parmi les grands triomphateurs de la soirée, le jeune Daniele Rustioni dirige par cœur une partition qu’il maîtrise à la perfection. Le nouveau directeur musical de l’Opéra national de Lyon imprime dès le Prélude sa marque sur un Orchestre National Bordeaux-Aquitaine capable de continûment soutenir la tension imposée par une baguette incisive et sûre, attentive aux moindres inflexions de l’œuvre - pianissimi envoûtants, vivacité des tempi, sens de la narration et de la tragédie. Une production émouvante accueillie avec enthousiasme et qui s’inscrit dans les annales des Chorégies.
Rendez-vous en 2017 à Orange pour Rigoletto (8 et 11 juillet) et Aida (2 et 5 août). (1)
Michel Le Naour
(1) Préprogramme Chorégies 2017 : www.choregies.fr/assets/pdf/2017.pdf
Verdi : La Traviata - Théâtre antique d’Orange, 3 août 2016
Photo Francesco Meli (Alfredo) et Ermonela Jaho (Violetta) © Kris Picart
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