Nombreux sont les métiers qui guettent la date du 19 mai et, parmi eux, ceux de la culture ne sont pas les moins impatients de participer à ce retour à la vie — qui sera aussi celui des retrouvailles avec le public et son irremplaçable énergie. Retrouvailles un peu amères d’ailleurs dans la mesure où des pays, parfois très proches, ont prouvé que, dans le respect de protocoles bien définis, la poursuite des spectacles avec public était possible. Et quel dommage que la Philharmonie de Paris, qui avait mené à la fin de l’année passée une étude particulièrement sérieuse, en collaboration avec Dassault Systèmes, sur la circulation de l’air dans la Grande Salle Pierre Boulez (qui a conclu qu’avec un port rigoureux du masque le lieu « présente un comportement similaire à celui d’un lieu de plein air, avec un risque de propagation très limité ») n’ait pas pu être le cadre, sans doute pas d’une vraie reprise d’activité, mais au moins d’expérimentations, de tests en grandeur nature qui se seraient révélés bien instructifs dans la connaissance du virus et de sa circulation. Une occasion manquée ...
 

Les choses reprennent enfin leur cours et, côté musique, en matière instrumentale aussi bien que lyrique, les choix abonderont partout en France. Rapide survol en se limitant à quelques temps forts. A la Philharmonie de Paris, le piano sera très présent, en solo avec Alexandre Tharaud (Mahler, Rachmaninoff et Ravel) dès le 19 mai, puis au sein de programmes symphoniques : le 20 mai, l’Orchestre national de France et son nouveau patron, Cristian Măcelaru, seront sur le pont pour un superbe concert français avec Bertrand Chamayou en soliste (du 2e Concerto de Saint-Saëns, œuvre dont il a signé un enregistrement magistral avec la même phalange et son précédent directeur musical). Le lendemain, l’Orchestre national d’Île-de-France et Case Scaglione offriront un programme tout Beethoven en compagnie d’un des plus grands pianistes italiens de la nouvelle génération : Federico Colli (dans « L’Empereur »). On attendra les 26 et 27 mai pour retrouver l’Orchestre de Paris mené par Stanislav Kochanovsky (photo), formidable jeune baguette, dans un programme russe qui fera là encore l’événement sur le plan pianistique puisque Alexandre Kantorow s’y emparera du 2e Concerto de Prokofiev – grand frisson en perspective !
A l’Auditorium de Radio France, le 22 mai, on attend les retrouvailles du Philharmonique et de Marek Janowski, son directeur musical de 1984 à 2000, dans le répertoire germanique, avant que le bel orgue de la Maison ronde ne résonne et ne rugisse grâce à Nathan Laube (25 mai) dans des pièces Bruhns, Bach, Beffa et Liszt (la Sonate en si transcrite par Laube).
 

Du côté du Châtelet, le 27 mai, un Midi de l’Orchestre de chambre de Paris réunira des pages de Betsy Jolas et Bartók sous la baguette d’une cheffe de premier ordre : Marzena Diakun.
L’OCP se prépare pour Bellini au Théâtre des Champs Elysées : la Somnambule occupera l’affiche du 15 au 25 juin, dans une mise en scène de Rolando Villazón, avec Pretty Yende (remplaçante de Nadine Sierra) dans le rôle d’Amina. Une Pretty Yende que l’on aura d’ailleurs eu le plaisir d'applaudir, dès les 19 et 20 mai, au TCE lors d’un récital partagé avec Benjamin Bernheim et dirigé par Sasha Goetzel (à la tête de l’OCP).
 

Du côté de l’Opéra de Paris, on attend la création mondiale du Soulier de satin d’après Claudel de Marc-André Dalbavie, du 21 mai au 13 juin à Garnier. Un spectacle d’un peu plus de six heures (début des rep. à 14h !) à découvrir sous la direction du compositeur et dans la mise en scène de Stanislas Nordey. Les amateurs de lyrique en format – nettement ! –  plus bref se tourneront eux vers les Bouffes du Nord pour un très tentant Viol de Lucrèce de Britten avec les chanteurs de l’Académie de l’Opéra sous la direction de Léo Warinsky (du 19 au 29 mai.)
A l’Athénée, c’est dans l’univers de Kurt Weill que l’on se plongera, du 27 mai au 5 juin avec les Sept péchés capitaux mis en scène par Jacques Osinski et menés par Benjamin Lévy. Quant à l’Opéra-Comique, son Orfeo dirigé par Jordi Savall et mis en scène par Pauline Bayle, avec Marc Mauillon dans le rôle-titre, fera l’événement du 4 au 10 juin.
Enfin, les amoureux de répertoire romantique allemand seront curieux de la « Nuit des rois », spectacle imaginé par Antonin Baudry autour d’œuvres de Schumann (parmi lesquelles le Requiem für Mignon) dont Laurence Equilbey assurera la direction à la Seine Musicale (19 et 20 mai).
 

Partout ailleurs en France, la reprise sera également de mise, de l’Orchestre national de Lille (un programme Mozart/Schubert dirigé par Alexandre Bloch les 22 et 25 mai) à celui de Lyon (Pépin, Sibelius et Beethoven, les 28 et 29 mai, sous la baguette du splendide Ben Glassberg, avec Benjamin Grosvenor au clavier), du Philharmonique de Strasbourg (Marko Letonja et Cédric Tiberghien dans Mozart et Sibelius, les 20 et 21 mai) à celui du Capitole de Toulouse, au rendez-vous le 3 juin pour un superbe programme Saint-Saëns sous la baguette de Tugan Sokhiev, avec Victor Julien-Laferrière et Michel Bouvard.
 

Les scène lyriques régionales auront bien des atouts à faire valoir elles aussi. Nombreux sont ceux qui feront le chemin de Toulouse pour la Forza del destino (25, 28 mai, 1er et 3 juin), en version de concert certes, mais sous la baguette de l’excellent Paolo Arrivabeni et avec une magnifique distribution (dont Catherine Hunold en Leonora), ou se dirigeront vers Montpellier pour la reprise de la production de Werther de Bruno Ravella marquée par la première Charlotte de Marie-Nicole Lemieux (le 20 mai seulement ; le spectacle, heureusement, sera capté). A Nice, ce même ouvrage de Massenet fera l’objet d’une nouvelle production signée de l’inventive Sandra Pocceschi accompagnée de Giacomo Strada (les 2, 4 et 6 mai), sous la direction de Jacques Lacombe, avec Thomas Bettinger (Werther) et Anaïk Morel (Charlotte) entre autres. Et si, à l’Opéra du Rhin, on se limitera à une version de concert abrégée de l’Alcina de Haendel (21 mai-15 juin, dir. Christopher Moulds), à l’Opéra de Lille d’une Tosca mise en espace par Olivier Fredj mais prometteuse cependant sous la baguette d’Alexandre Bloch, ou à l’Opéra de Bordeaux d’une Carmen mise en espace par Romain Gilbert et dirigée par Marc Minkowski, avec Aude Extrémo et Adèle Charvet en alternance dans le rôle-titre (du 30 mai au 12 juin), l’Opéra de Lyon présentera lui, du 23 mai au 6 juin, le magique Coq d’Or de Rimski-Korsakov dans la production attendue de Barrie Kosky, sous la direction de Daniele Rustioni
Bon retour au concert, à l’opéra ; à l'irremplaçable magie du son vivant !
 
Alain Cochard