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« Le Bal des Animaux » par Sophie Karthäuser et Eugene Asti (Harmonia Mundi) – Le Disque de la Semaine – Compte-rendu
Vrai petit délice d’automne que le « Bal des animaux » (1) imaginé par Sophie Karthäuser et Eugene Asti ! La mélodie française est un vaste territoire riche de trésors souvent ignorés – il faut reconnaître que le fréquent manque d’intérêt du mélomane français pour ce pan de son patrimoine musical n’est guère propice à leur diffusion. Un programme thématique tel que celui proposé par la soprano belge ne peut donc que servir la cause de la mélodie : avec pour dénominateur commun le monde animal, il associe quelques pages célèbres signées Ravel (des extraits des Histoires naturelles), Poulenc (Le Bestiaire) ou Satie à des pièces bien plus rares mais non moins admirables de finesse et d’intelligence poétique.
Sophie Karthäuser © Jean-Baptiste Millot
Chabrier : Les Cigales (ext.)
Ainsi la piaffante Chanson de l’alouette de Lalo nous entraîne-t-elle dans un bestiaire tantôt tendre et délicat, tantôt drôle et piquant. Difficile de résister au charme du Papillon et la fleur de Fauré – les premiers pas de l’auteur dans le monde de la mélodie –, au Rossignol des lilas de Hahn et au Colibri de Chausson, aussi rêveurs l’un que l’autre, à l’étrange prégnance des Hiboux de Séverac, ou encore à l’humeur radieuse la Villanelle des petits canards, des Cigales, de la Pastorale des cochons roses et de la Ballade des gros dindons, quatre petits bijoux du grand Chabrier. On ne goûte pas moins la rare Coccinelle de Bizet, sur un texte de Hugo, que Sophie Karthäuser sert avec une souple sensualité.
Ravel : Le Paon (ext.)
Quelques morceaux pour piano solo (The Little Sheperd et Jimbo’s Lullaby du Children’s Corner de Debussy, Le Petit Âne blanc et La Meneuse de tortues d’or des Histoires de Jacques Ibert), fort bien servis par Asti, ponctuent opportunément le cours d’un « Bal » où l’on n’est pas moins heureux de découvrir Pauline Viardot faisant se rencontrer un texte de Louis Pomey (L'Oiselet) et une mazurka de Chopin (l’Opus 68/2), mais aussi Offenbach installant un spirituel dialogue entre Le Corbeau et le Renard de La Fontaine.
Viardot/Chopin : L'Oiselet (ext.)
Beaucoup d’oiseaux dans le programme de Karthäuser et Asti, on l’aura remarqué. Cela devait fatalement attirer un chat : ils sont même deux avec le Duetto buffo di due gatti, pièce attribuée à Rossini mais qui, après fouilles musicologiques, semble plutôt être l’œuvre d’un illustre inconnu anglais nommé Robert Lucas de Pearsall. La gloire de l’auteur du Barbiere n’en souffrira guère et la rencontre que ce morceau permet entre Sophie Karthäuser et Dominique Visse nous vaut un croustillant moment.
Sophie Karthäuser & Eugene Asti © Molina Visuals
Ce savoureux bestiaire, joliment illustré par Jacques Guillet (ce qui ne pourra que contribuer à attirer le jeune public vers ce disque), va bientôt occuper Sophie Karthäuser en concert. Le Théâtre de la Ville la reçoit aux Abbesses le 17 novembre, avec Eugene Asti. Dominique Visse viendra-t-il faire un tour au moment des bis ? On ne le sait. En tout cas, le lendemain il sera lui aussi sur la scène des Abbesses avec son Ensemble Clément Janequin pour un programme « Nos amis les bêtes » qui, de Janequin à ... Bobby Lapointe, promet de réjouir l’humeur.
Alain Cochard
(1) Harmonia Mundi HMM 902 260 (Œuvres de Lalo, Ravel, Poulenc, Séverac, Chabrier, Ibert, Satie, Hahn, Rosssini, Offenbach, Hahn, Bizet, Chausson & Viardot/Chopin)
Sophie Karthäuser & Eugene Asti
« Bestiaire »
17 novembre 2018 – 16h
Paris – Théâtre des Abbesses
www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2018-2019/music/bestiaire
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