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Le Barbier de Séville selon Rafael R. Villalobos à l’Opéra de Montpellier – Figaro au bord de la crise de nerfs – Compte-rendu
Après un Comte Ory remarqué à l’Opéra-Comique, Philippe Talbot retrouve donc la cornette et compose un Almaviva multi-facettes, d’abord poète enamouré (Fiorello et le chœur n’hésitent pas à parodier ses gestes pendant son aubade), puis déchaîné sous ses déguisements, contrefaisant sa voix pour devenir quêteuse importune ou torero. Le rôle lui convient bien, le suraigu est au rendez-vous, mais l’air « Cessa di più resistere » passe à la trappe, comme c’est encore trop souvent le cas. Sa Rosine est une Adèle Charvet totalement convaincante, dont la voix chaude séduit dès les premières notes. Sous sa crinière digne de Julia Migenes dans Carmen (elle incarnera d’ailleurs la gitane à Bordeaux cette saison), la mezzo confère à l’héroïne plus de tempérament qu’on ne lui en voit parfois.
Spécialiste des rôles comiques rossiniens, Paolo Bordogna apporte au spectacle l’indispensable touche d’italianité garantie. Son Figaro punk-rock brûle les planches, voix puissante et débit d’un naturel confondant, recourant ici et là à des effets de rubato ou de parlando sans jamais se décaler de l’orchestre. Tout aussi maître du chant syllabique, Gezim Myshketa est un Bartolo décomplexé et assez hilarant, en pleine possession de ses moyens, à cent lieues de certains barytons sur le retour auxquels il arrive que l’on confie bien à tort le personnage ; il s’offre même le luxe de chanter entièrement « Quando mi sei vicina » d’une voix de fausset très sonore.
Voix de contre-ténor pour la Berta transgenre de Ray Chenez, habitué à l’androgynie sur les scènes, et ici rejoint par l’acteur Luis Tausia dans le rôle de sa collègue ; tout comme autrefois Rosine était libre d’interpréter n’importe quel air à son répertoire au moment de la leçon de chant, « Il vecchietto cerca moglie » de Berta est remplacé par l’extrait d’une zarzuela (le tango de la Menegilda) que reconnaîtront les fans de Victoria de Los Angeles ou de Montserrat Caballé, et dont les paroles tombent ici à pic. On remarque aussi le beau timbre de basse de Jacques-Greg Belobo, Basile bonnasse ; si Philippe Estèphe a très peu à chanter en Fiorello, il le chante fort bien et la mise en scène lui permet de reparaître à plusieurs reprises, notamment pour mimer le calomnié accablé.
D’abord tout de noir vêtu, groupe de fêtards dont la présence et la rémunération par Almaviva s’expliquent mal, le chœur de l’Opéra de Montpellier – ou du moins ses pupitres masculins – revient à la fin du premier acte en carabiniers soudain victimes de la diarrhée, ce qui ne l’empêche pas de livrer une prestation tout à fait convaincante. Quant à l’Orchestre national Montpellier Occitanie, il répond avec précision à la baguette de Magnus Fryklund, y compris lorsque le chef opte pour des tempos extrêmement rapides, avec la complicité de solistes qui ne semblent pas bouder leur plaisir.
Laurent Bury
Photo : © Marc Ginot
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