Journal
Le Cid de Massenet au Palais Garnier - Un Cid au grand cœur mais … - Compte-rendu
A Marseille il y a quatre ans, la production de Charles Roubaud avait conquis le public grâce au duo Alagna/Uria-Monzon assez électrisant. Au Palais Garnier où Le Cid a retrouvé sa place, Michel Plasson traite comme à son habitude ce répertoire qu'il affectionne tant avec tous les égards. Le chef n’essaie pas de nous faire croire qu'il s'agit d'un chef-d'œuvre, mais sa direction sincère et passionnée à pour conséquence de hisser la partition vers le haut.
La transposition dans l'Espagne tourmentée des années cinquante opérée par le metteur en scène et son équipe, permet de renouveler sobrement le propos et de montrer la permanence des intrigues politico-amoureuses par-delà les siècles. Face au père de Rodrigue, Don Diègue noblement interprété par Paul Gay tout en raideur et en dignité, le Comte de Gormas campé par Laurent Alvaro fait belle figure, tandis que Nicolas Cavallier trouve dans la figure hiératique du Roi, un emploi idéal. Dans un rôle qui pourrait être anecdotique, Annick Massis transforme l'Infante en un personnage clé par son élégance, l'onctuosité de son timbre et sa virtuosité qui rendent sa présence indispensable dans les ensembles, qu'elle conclut par de somptueux suraigus.
Malgré de louables efforts, de diction notamment, Sonia Ganassi passe à côté de Chimène qu'elle aborde d'abord en petite fille, puis transforme en virago qui ne sait que hurler sa douleur et son désir de vengeance. Les notes sont là, pas toujours très belles, mais les registres trop dissociés et l'expression trop appuyée tiennent à distance la charge érotique qu'avait su glisser Béatrice Uria-Monzon.
La soirée a dû paraître bien longue à Roberto Alagna, forcément très attendu par le public parisien sur les lieux de la création du Cid en 1885 : fripée à son entrée, la voix du ténor cueillie à froid se crispe sur les uts répétés du « Ô, noble lame étincelante », tous ouverts et métalliques et manque à plusieurs reprises de se dérober. Les choses s'améliorent jusqu'au final du second acte où Alagna retrouve une certaine sûreté dans l'émission, mais le troisième le montre à nouveau instable pendant l'exécution du grand air « Ô souverain, ô juge, ô père », dont la tessiture très large le met en difficulté et le conduit à des tensions qui aboutissent à des cris. Arrivé au terme de la représentation, l'artiste a dû s'en vouloir de n'avoir pu donner le meilleur de lui-même dans un rôle taillé à sa mesure et où il était supérieur en 2011. Espérons qu'il pourra se rattraper sur les prochaines dates.
François Lesueur
Massenet : Le Cid – Paris, Palais Garnier, 27 mars, prochaines représentations le 30 mars et les 2, 6, 9, 12, 15, 18 et 21 avril 2015. http://www.concertclassic.com/concert/le-cid-massenet
Photo © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris
Derniers articles
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD
-
16 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
14 Décembre 2024Laurent BURY