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Le Consul de Menotti au Théâtre Roger-Barat d’Herblay – Une réalisation exemplaire - compte-rendu
Le Théâtre Roger-Barat d’Herblay, en lointaine banlieue ouest de Paris, poursuit saison après saison un original et méritoire parcours lyrique. Avec une production maison par an, qui, de plus, chemine sur des sentiers peu rebattus. Après Vanessa de Samuel Barber, création absolue en région parisienne il y a deux ans, puis l’an passé Zanetto et Abu Hassan, deux petits bijoux tout aussi méconnus de Mascagni et Weber, vient donc le tour du Consul, opéra des plus rares de Gian Carlo Menotti.
S’ajoute à cette programmation hautement spécifique, tout un travail pédagogique en amont, auprès des lycéens de la petite ville, appelés pour certains à participer au spectacle. Une politique artistique qui ne mérite que des éloges, à distribuer à la municipalité (qui subventionne le théâtre) et à l’entreprenant directeur de l’institution, Vincent Lasserre.
Le Consul, donc. Ou plutôt The Consul, puisque l’opéra, créé en 1950 à Philadelphie puis New York, est ici présenté dans son livret original anglais de la main même du compositeur. La mise en scène revient à Bérénice Collet, habituée du théâtre, qui avait déjà signé les précédentes productions lyriques mentionnées. Avec un égal talent. Mais dans ce cas pour une trame d’une noirceur sans éclaircies, celle « d’individus broyés par la raison d’état », en l’occurrence de dissidents d’un pays totalitaire – imaginaire - qui dans leur tentative de trouver refuge sur un sol plus hospitalier se heurtent à une bureaucratie implacable et inhumaine. Nous sommes, au moment de la création de l’opéra, au sortir de la guerre, n’oublions pas…
Il y a ainsi deux décors, se succédant : un intérieur de modeste logis, parmi des meubles de cuisine ; et la salle d’attente du consulat, dans l’espoir vain du visa espéré, avec son luxe froid et ses pauvres hères qui s’agglutinent sur des sièges bien ordonnés. S’adjoignent quelques projections de toile de fond, des lumières justes, des costumes de tous les jours, des gestes et mimiques d’une circonstance précise. Simple et immédiatement parlant !
Le drame peut alors prendre corps, et la musique lui prêter son intensité. Menotti élit ici des atmosphères changeantes, entre une orchestration qui se fait heurtée ou suave, et un chant qui de la déclamation évolue en moments de véritable lyrisme. Une réussite de l’écriture dramatique, mais que l’on peut toutefois penser moins inspirée musicalement que Le Medium ou Le Téléphone du même compositeur. À Herblay, elle n’en pas moins servie au mieux. Autre exploit à mettre au compte du théâtre, pour un ouvrage dépourvu de réelle tradition interprétative !
Les douze (pas moins !) chanteurs solistes sont ainsi quasi idéalement distribués. Tous seraient à citer… Mais signalons Valérie MacCarthy, d’un magnifique épanchement lyrique pour le rôle principal de Magda ; ou Philippe Brocard, baryton assuré, Béatrice Dupuy, mezzo de style et impayable bureaucrate revêche, Ainhoa Zuazua Rubira, soprano épanouie, tout comme Louise Pingeot ; ou Artavazd Sargsyan, qui ajoute à ses vertus de ténor ceux de prestidigitateur ; ou Nicolas Rigas, Agent de la police secrète plus vrai que nature (au point d’essuyer, au moment des saluts, les huées des enfants présents parmi le public). L’équilibre est parfait avec la fosse, presque à même le plateau, et un Orchestre Pasdeloup aux timbres aguerris. Le jeune chef Iñaki Encina Oyón possède davantage une battue de meneur de chœur, mais qui en l’espèce se révèle efficacement en symbiose avec les instrumentistes et les chanteurs. Il faudra se précipiter pour les autres représentations à Herblay, ou à défaut pour les reprises du spectacle en octobre prochain au Théâtre de l’Athénée.
Pierre-René Serna
Menotti : Le Consul, Théâtre Roger-Barat d’Herblay, 25 mai ; prochaines représentations : 27 mai et 5 juin 2014. Reprises au Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet : 8, 10, 11 et 12 octobre 2014.
Photo © DR
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