Avant tout, l'art révèle à l'homme ce que les mots ne peuvent exprimer. Une manière d'initiation qui est aussi questionnement, en phase avec les attentes de chaque époque et à laquelle le Festival des Heures des Bernardins, dont c'est la 3ème édition, consacre deux journées, explorant, à la limite du sacré et du profane, le pouvoir de la musique comme «voix d'humanité».
Une affiche dense est ainsi prévue, avec 8 concerts (et 2 conférences) démarqués du rythme des Heures liturgiques, depuis les Matines au lever du jour jusqu'aux Complies du crépuscule et se faisant tour à tour témoignage de piété collective et attitude militante d'une foi individuelle.

Tout commencera donc avec le concert des Vêpres du 16 novembre donné, comme tous les autres, dans la grande nef du Collège, un cadre rêvé pour stimuler l'écoute avec la réflexion, les interprètes étant le choeur Les Cris de Paris (photo), dirigé par Geoffroy Jourdain au fil d'un programme germanique (les 4 chants pour double choeur, op 141 de Schumann, les Geistliche Lieder de Hugo Wolf et le Friede auf Erde de Schönberg, vision plus largement humaniste).
Le même jour, le Concert des Complies, confié à l'ensemble belge Vox Clamantis, sous la conduite de Jaan Elk Tulve, et avec Claire-Marie Le Guay au piano, saluera l'Abbé Liszt - qui reçut les ordres mineurs en 1865 et vécut un certain temps au couvent de la Madone du Rosaire à Rome - avec une partition ayant valeur d'emblème : Via Crucis, écrit par notre musicien-franciscain (comme il se désignait lui-même) à près de 70 ans.

Autre programme hautement signifiant: le Concert des Laudes qui, le 17 novembre, présente le Quatuor pour la fin du Temps d’Olivier Messiaen Une excellente occasion pour beaucoup de (re)découvrir cette partition majeure du XXème siècle, inspirée par l'Apocalypse de Saint-Jean et mariant la modernité d'un langage caractérisé par la spécificité des rythmes, souvent indépendants des mélodies, à un foisonnement d'images mystiques et poétiques (liturgie de cristal, abîme des oiseaux, louange à l'éternité de Jésus, danse de la fureur pour les 7 trompettes, etc.) où l'auteur est déjà tout entier présent. Elle rassemblera Nicolas Baldeyrou, Pierre Fouchenneret, François Salque et Eric Le Sage) et sera précédée d’une conférence du Père Jean-Rodolphe Kars, Premier Prix du Concours Messiaen en 1968 et aujourd’hui chapelain à Paray-le-Monial.

A ce stade, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'énumération, face à l'évident esprit d'ouverture de ce Festival qui n'en est pas un ; ni Livre d'Heures, ni geste médiatique, mais espace vivant où les musiques, toutes époques confondues, ne cessent d'entrer en résonance pour le bonheur du mélomane, comme du croyant.
Un dernier exemple étant tout de même à citer, emprunté au mystique et atypique Arvo Pärt, compositeur vivant le plus joué aujourd'hui et dont l'évolution est caractéristique du besoin actuel de renouer avec la tradition religieuse à partir d'un style fusionnel où l'ancienne polyphonie et les références grégoriennes s'accordent sans heurt à l'emploi de sonorités nouvelles. Tels ses Canons de la Repentance, créés en 1998, à l'occasion du 750ème anniversaire de la cathédrale de Cologne et exaltant toute la substance du message liturgique, nonobstant une simplicité mélodique qui nous invite à un captivant voyage intérieur.

Roger Tellart

Festival des Heures des Bernardins
16 et 17 novembre 2012
Collège des Bernardins
75005 – Paris
Programmation détaillée : www.collegedesbernardins.fr

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Photo : Les Cris de Paris © L. Jennepin