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Le Freischütz à l’Opéra Comique - Chez Miss Marple - Compte-rendu

Gloire à John Eliot Gardiner : il fallait qu’il nous rende enfin cette version Berlioz du Freischütz, non pas tant pour entendre le livret de pure convention de Kind transcrit en français à la petite semaine par Pacini, clairement articulé par une distribution majoritairement composée de gosiers étrangers, mais pour prendre la mesure du travail accompli par l’auteur de la Symphonie Fantastique.

Adieux singspiel, Berlioz a unifié l’œuvre, la projetant bien plus loin dans l’avenir du théâtre lyrique que ne l’avait probablement envisagé Weber, en faisant non plus un opéra à numéro mais bien un drame musical.

Admirable propos visionnaire que Gardiner souligne avec un art transcendant, rendant à la poésie des deux compositeurs son mordant et ses timbres, réglant l’orchestre pour ne pas saturer, portant un plateau sans faille. Avec une réserve : l’inclusion au III de l’Invitation à la Valse était aussi anecdotique qu’inutile, encombrant un acte où Weber tire déjà assez à la ligne (on voudrait toujours quitter le Freischütz après le coup de génie de la Gorge aux loups).

On aura beau jeu de trouver le Max d’Andrew Kennedy sans vrai ligne : la vaillance et même une certaine éloquence rachètent ce que lui coûte une attention humble à la prosodie assez syllabique que lui débite Pacini. Seul bémol musical de la soirée, et dont on ne peut rendre responsable l’artiste.

Sophie Karthaüser est simplement sublime de mélancolie pour une Agathe plus sombre qu’à l’habitude (de psyché, pas de voix, elle est bien la petite de sœur de Pamina qu’elle doit être). Détail amusant : c’est le portrait de Weber qui l’aura blessée. Et Virgine Pochon, toujours aussi réjouissante, vient la piquer de sa voix alerte. Duo parfait, finement apparié de timbres, aux techniques vocales complémentaires. On rend les armes devant le Gaspard caverneux et mordant de Gidon Saks, un modèle. Très élégant Kilian de Samuel Evans, étoile montante du nouveau chant britannique : quel Billy Budd il sera bientôt !

Sur tout cela, une mise en scène inexistante ; vague transcription dans l’entre-deux-guerres côté outre-Manche, décors descriptifs qui ne font pas dans la dentelle et sont évidemment autant d’encombrements – Ah la roulotte d’Agathe, on n’espérait quand même pas qu’on nous en présenterait l’envers au III, mais on nous l’a présenté, petits rideaux, papier à motif ; mon Dieu ! –, direction d’acteur nulle : il faut voir ce pauvre Gidon Saks avec son réchaud durant la Gorge au loup en train de donner son cours de cuisine à Max ! Hilarant, grotesque, ne mériterait même pas qu’on en parle. Travailler aussi peu pour un tel chef-d’œuvre, s’appliquer en plus à montrer le rien qu’on aurait dû au moins cacher, M. Jemmett exagère probablement autant que nous. Qu’on ne l’y reprenne plus.

Jean-Charles Hoffelé

Weber : Le Freischütz – Paris, Opéra Comique, le 7 avril, puis les 9, 11, 13, 15 et 17 avril 2011. www.opera-comique.com

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Photo : Elisabeth Carecchio
 

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