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Le Portrait de Weinberg à l'Opéra national de Lorraine - Tragi-comédie des apparences - Compte-rendu
Le nom de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) sera peut-être familier à qui s'intéresse à Chostakovitch, qui dans sa correspondance en a fait l'éloge à plusieurs reprises. Sa musique en revanche nous reste largement inconnue, ce qui peut sembler étonnant tant elle est abondante (plus de cinq cents compositions), facile d'accès et, pour ses opéras, d'une grande efficacité dramatique, ainsi que le prouve cette production du Portrait, présentée à Nancy et coproduite par l'Opera North de Leeds.
Sixième et avant-dernier opéra du compositeur, Le Portrait (1980), s'inspire d'une nouvelle de Gogol : Chartkov, figure romantique du peintre insoumis accablé par la misère, achète pour presque rien un tableau à un marchand d'art méphistophélique. Ce portrait ensorcelé assure richesse et gloire au peintre qui bafoue son talent en répondant aux commandes de la bonne société. Portant un regard sur sa vie et son art perdu, Chartkov sombre dans la folie.
Comme Chostakovitch dans Le Nez, Mieczyslaw Weinberg tire de la prose de Gogol une musique qui navigue entre le sombre et le burlesque, une musique chargée d'atmosphères sans cesse changeantes et traduites par des gestes orchestraux à la fois simples et saisissants, à défaut d'être novatrice.
La tradition vocale russe domine le chant, à tel point que certaines scènes pourraient être sorties de la plume de Moussorgski. C'est particulièrement vrai pour le personnage de Nikita, serviteur de Chartkov, campé avec une vaillance vocale et une remarquable présence scénique par le jeune baryton Evgeny Liberman. Dans le rôle principal de Chartkov, Erik Nelson Werner est impressionnant. Familier des rôles du répertoire russe – Herman dans La Dame de Pique de Tchaïkovski, Sergueï dans Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch – le ténor américain délivre une interprétation d'une parfaite clarté. La distribution dans son ensemble est excellente et justifie le choix de présenter l'ouvrage dans sa langue originale russe quand Leeds l'avait accueillie dans une traduction anglaise.
Gabriel Chmura, qui se consacre depuis plusieurs années, à faire découvrir la musique de Mieczyslaw Weinberg, dirige l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy avec un entrain, une énergie qui répondent à merveille à la verve du livret. Si les musiciens ont eu au début de l'œuvre quelque difficulté à entrer dans l'univers du compositeur et à le suivre dans ses fréquents changements de sonorités, les deuxième et troisième actes les ont vus jouer avec plus de naturel, en particulier dans les moments les plus lyriques.
Déjà auteur d'une production remarquée de La Passagère, le premier opéra de Weinberg, l'an dernier au Festival de Bregenz, David Pountney donne vie, avec son invention habituelle, aux personnages de Gogol. Particulièrement inspiré par le fourmillement d'idées de la partition, le metteur en scène britannique – bien aidé par les costumes de Dan Potra – livre un deuxième acte plein de fantaisie, très « music hall », ce qui ne l'empêche nullement de conserver au propos tout sa dimension satirique et grinçante, ni de contempler l'âme humaine avec une hauteur poétique assumée quand il fait paraître Psyché, la muse du peintre, spectre venant tourmenter l'artiste déchu.
Jean-Guillaume Lebrun
Mieczyslaw Weinberg : Le Portrait – Nancy, Opéra national de Lorraine, le 5 avril, prochaines représentations les 12 et 14 avril 2011.
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Photo : DR
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