Journal
Le Quatuor Belcea au Théâtre des Champs-Elysées – Fraternité musicale – Compte-rendu
Familier des Concerts du Dimanche matin, le Quatuor Belcea (photo) offrait au public du Théâtre des Champs-Elysées un programme à connotation Mitteleuropa, s’adjoignant pour le Quintette à deux violoncelles de Schubert la collaboration de Roland Pidoux dont on connaît la fibre chambriste.
Le Quatuor à cordes n° 1 « Sonate à Kreutzer » de Janaček prend d’entrée de jeu, sous des archets complices, une dimension intensément lyrique. La violence et le sens du drame sont tempérés par la beauté pure de la sonorité des instrumentistes – avec en premier de cordée le violon expressif de Corina Belcea –, mais la densité de l’interprétation, la qualité des échanges, l’engagement physique, sans atteindre l’alacrité rythmique et la patine mordorée des meilleurs ensembles tchèques actuels (Les Quatuors Prazak, Zemlinsky, Pavel Hass …), produisent un enchantement constant.
Dans le Schubert, les Belcea et le violoncelliste Roland Pidoux délivrent une lecture équilibrée où tout chante avec naturel sans qu’aucun ne cherche à se mettre en valeur au détriment de l’autre. Le charme mélancolique et la lumière poétique de l’Allegro ma non troppo initial n’empêchent nullement une certaine âpreté dans le Scherzo (où l’altiste Krzysztof Chorelski cassera d'ailleurs une corde), et le pouvoir d’émotion s’installe avec une intensité rare dans un Adagio à faire pleurer les pierres. Un moment de pur bonheur partagé fraternellement.
Michel Le Naour
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 8 avril 2018
Photo © Caroline Doutre
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