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Le Quatuor Modigliani à la Biennale de quatuors à cordes – Demi-teinte – Compte rendu
La Biennale de quatuors à cordes serait-elle victime de son succès ? Il y avait foule, en effet, pour cette troisième soirée, et c'est la grande salle de la Cité de la musique qui avait été requise, bien que son espace et son acoustique soient des moins propice à l'intimité et à la fragilité de la musique de chambre.
Mais le programme affiché — une extension du domaine du quatuor, avec un quintette et un sextuor rarement joués — justifiait cette affluence. En particulier le Quintette K. 516 de Mozart, en sol mineur. Il faut louer les membres du quatuor Modigliani, quelque réserve que l'on ait sur leur interprétation, de se mesurer à un chef-d'œuvre si impressionnant.
Symphonies (les 25e et 40e), quatuor avec piano (K. 478), air d'opéra (celui de Pamina dans la Flûte enchantée) : chez Mozart, la tonalité de sol mineur est toujours associée à un climat oppressant et tourmenté. Ce quintette à deux altos n'y échappe pas. Le musicologue Alfred Einstein en rapproche justement les ténèbres de celles du jardin de Gethsemani, de cette nuit où sur le mont des oliviers, entouré de ses disciples endormis, Jésus est en proie au doute et à l'angoisse. C'est bien un intense sentiment de déréliction, de sombre malaise existentiel, que dégagent ces adagios douloureux et haletants, leurs silences inquiets. Mozart pressent-il la disparition prochaine de son père malade ? La désaffection progressive du public viennois ?
Il ne faudra pas moins que les trois cent trente mesures du finale pour revenir à un semblant de sérénité.
Malgré la présence du vétéran Gérard Caussé, en deuxième alto, les membres du Quatuor Modigliani, en particulier les deux violons, ne semblent guère concernés par cette dimension symbolique, voire métaphysique. Et leur jeu appliqué, leur sonorité morne ennuient.
En revanche, le sextuor à cordes de Schoenberg, La Nuit transfigurée, leur convient d'emblée. Le propos en est d'autant plus clair, que le poème dont le musicien s'inspire déroule une feuille de route rectiligne, sans méandres ni arcanes. Composé en 1899, appartenant à la période post-romantique (et encore tonale) du compositeur, ce sextuor, poème symphonique restreint à des dimensions chambristes, s'inscrit dans la grande tradition germanique. A la fois wagnérien par son atmosphère nocturne héritée de Tristan, et brahmsien, par son écriture en variations.
Rejoints par le violoncelliste Gary Hoffman, les Modigliani, toujours accompagnés de Gérard Caussé, s'engagent fermement, avec une sonorité pleine et vibrante. Conclusion de cette soirée ? Parodions Schoenberg et sa formule suave : « ma musique n'est pas moderne, elle est seulement mal jouée ». La musique de Mozart n'est pas classique, elle est seulement mal comprise !
Gilles Macassar
Paris, Cité de la musique, salle des concerts, le 15 janvier 2018
Photo © Sylvie Lancrenon
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