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Le Roi Arthus de Chausson à l’Opéra de Paris – Pour la musique seulement – Compte-rendu
Copieuse bordée de huées pour Graham Vick et son équipe au terme de la première d’une production qui marque l’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris du Roi Arthus d’Ernest Chausson (1855-1899), cent douze ans après la création posthume de l’ouvrage à la Monnaie de Bruxelles. Des naïfs sans doute, qui ont eu le toupet d’imaginer qu’ils avaient droit à un peu de l’imaginaire dont se nourrit l’ouvrage. Ils voulaient rêver ? Ils allaient voir de qu’ils allaient voir, point informés qu’ils étaient de l’opinion d’un metteur en scène qui déclare : «Chausson présuppose que le public connaît tout le contexte des légendes arthuriennes. Pour ma part, je ne crois pas qu’il soit viable, ou même souhaitable, d’exiger du public qu’il connaisse l’histoire et de la considérer comme acquise dès la scène d’exposition ».
Prélude formidablement conduit par Philippe Jordan – on reviendra plus loin sur son travail, admirable -, le rideau se lève. Oubliée la grande salle du palais d’Arthus : scène de fin de chantier au pied d’une verte - très verte - colline, treillis, casques et chaussures idoines ; on termine dans une joyeuse ambiance l’assemblage de la maison préfabriquée de M. Arthus et Mme Genièvre. C’est moche, passe-partout et déjà daté au moment où l’œil le découvre – allez, pour la concession à la légende arthurienne, on aura tout de même droit à une clôture d’épées autour la bicoque.
Le mari, la femme, l’amant… « On ne peut pas mettre en œuvre cet opéra comme une fresque d’aventures épiques », a décrété le metteur en scène. Bon… Et avec la complicité de Paul Brown (décors et costumes) de ramener l’ouvrage de Chausson à une banalité, un réalisme étriqué, en hiatus permanent avec une œuvre, des personnages qui réclament de l’espace.
« On ne peut pas »… On nous répétait aussi que dans Wagner bien des choses étaient devenues impossibles, jusqu’à ce que David McVicar ose à l’Opéra national du Rhin un Ring qui a prouvé que, avec des moyens scéniques et un imaginaire visuel modernes, la littéralité vaut bien mieux que des transpositions laborieuses. A propos de ratage, l’institution alsacienne s’était distinguée, si l’on peut dire, l’an dernier avec un Roi Arthus copieusement gâché par Keith Warner, mais aussi par une médiocre distribution.
Ce n’est fort heureusement pas le cas à Paris. Oublions la mise en scène et le vilain canapé rouge en skaï qui tient lieu d’élément unificateur du spectacle – à son instar, il chemine vers la destruction et finit cramé et en lambeaux - pour saluer le formidable investissement des chanteurs, de l’orchestre et de leur chef. Leur mérite n’en est que plus grand dans un contexte aussi pauvre.
Philippe Jordan tient à une partition que, comme beaucoup de mélomanes, il a découverte grâce à l’enregistrement réalisé en 1985 par son père à la tête de ce que l’on nommait à l’époque Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France(1). Il y croit et la défend avec sensibilité et intelligence. S’il est une influence de Wagner dans le Roi Arthus, avant les réminiscences de telle ou telle œuvre, c’est bien la présence agissante de l’orchestre. Jordan l’assume avec un engagement de chaque instant, d’une poésie raffinée ou d’une puissante plénitude. Il prévient l’emphase par son souci d’alléger les textures – influence wagnérienne mais musique française. Que d’évocatrice délicatesse met-il dans le prélude du II ; on n’enrage que plus de découvrir au lever du rideau Lancelot affalé sur ce fichu canapé rouge !
© Andrea Messana
Quel plateau ! Rayonnant, Thomas Hampson aborde Arthus avec autant de santé vocale que d’épaisseur humaine. Superbe prestation aussi de Roberto Alagna qui, dans la foulée du Cid à Garnier, campe un Lancelot d’un naturel et d’une ardeur pour le moins irrésistibles, tout en sachant creuser une dimension plus secrète de son personnage. A cette incarnation répond celle, tout aussi intensément vécue de Sophie Koch en Genièvre. Trio de tête luxueux, mais la Grande Boutique n’a négligé aucun rôle : Merlin plein d’étrangeté de Peter Sidhom, fabuleux Lyonnel de Stanislas de Barbeyrac qui en quelques répliques conquiert la salle, Mordred d’une cauteleuse jalousie d’Antoine Duhamel, touchant Laboureur de Cyrille Dubois. François Lis (Allan), Tiago Matos (Un Chevalier), Ugo Rabec (Un Ecuyer) : cast de rêve jusqu’au bout, et Chœurs (magnifiquement préparés par José Luis Basso) à l’unisson d’une production d’où la musique sort toujours gagnante. Quant au reste …
Alain Cochard
(1) avec Teresa Zylis-Gara, Gino Quilico et Göstha Winbergh (Erato)
Chausson : Le Roi Arthus – Paris, Opéra Bastille, 16 mai, prochaines représentations les 19, 22, 25 28 mai, 2, 5, 8, 11 et 14 juin 2015.
www.concertclassic.com/les-prochains-concerts?fulltext_search=Le+Roi+Arthus
Photo © Andrea Messana
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