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Le Songe d’une nuit d’été de George Balanchine à l’Opéra Bastille – Danse climatisée – Compte-rendu
De la belle, de la bonne danse, sans aucune intensité dramatique ni sens, sauf celui d’offrir un moment de charme au public, et une parfaite interprétation des danseurs, qui pour une fois, n’ont pas à porter de pots de chambre sur la tête (ou presque !) comme il arrive parfois dans la danse contemporaine, mais ont tout de même dû étouffer dans leurs riches pourpoints (les hommes évidemment, les femmes bénéficiant de bretelles) et leur frénétique agitation : on espère que le plateau était fortement climatisé ! Soirée séduisante donc, et sans consistance, ce qui allait fort bien à cette ambiance de fournaise à l’extérieur et permettait au public de boire à une fontaine de fraîcheur, sans être bouleversé par trop d’émotions.
En effet, ce Songe d’une nuit d’été, dont on n’évoquera pas le potentiel de rêve tant sont connus l’œuvre de Shakespeare et l’enchanteresse musique de Mendelssohn, Balanchine s’y est attaqué en 1962, après avoir donné au monde de la danse des ballets provocants qu’on a pu trouver fascinants comme Apollon Musagète, et surtout fort de son alliance profonde avec le difficile Stravinsky, avec lequel il entretint une complicité savante dans la réponse complexe et la visualisation des sons et des rythmes agressifs du maître.
© Agathe Poupeney - OnP
Ici, on l’avait déjà constaté en 2017, lorsque l’Opéra l’inscrivit à son répertoire, on reconnaît à peine la patte du chorégraphe tant le ballet semble de circonstance, convenu, un peu mièvre et sans idée véritable qui puisse répondre au tandem Shakespeare-Mendelssohn avec une vision mémorable et riche. Entrée au répertoire prestigieuse certes, car on sait la dévotion professée par l’institution pour le chorégraphe américain ex-géorgien : l’abondance et la somptuosité des costumes de Christian Lacroix, qui avait également signé les décors, comme sortis d’un conte de Perrault, éblouissaient, faisant scintiller un spectacle où tout se déroule en un joli étalage de divertissements gracieux, de battements d’ailes et de chassés croisés amoureux sans vraie densité. Visions séduisantes au premier degré, donc, comme des pages d’album pour enfant.
Heureusement on a admiré la bonne forme des danseurs, apparemment très engagés à donner de la beauté, notamment Myriam Ould-Braham, enchaînant souplement, l’air de rien, les longs portés et les innombrables arabesques du grand pas de deux du deuxième acte, en compagnie de Germain Louvet, à la batterie accomplie. Un divertissement qui demande une superbe technique et a été fortement applaudi. Egalement la délicate Ludmilla Pagliero, toujours sortie d’un songe romantique, comme flottante en Titania face à son formidable époux Obéron, incarné par un Paul Marque dont la légère ressemblance avec Laurence Olivier jeune n’est pas pour déplaire, d’autant que son assurance va croissant.
© Agathe Poupeney - OnP
Pour le reste, outre le charmant Puck d’Andrea Sarri, on a surtout admiré l’élégance d’Héloïse Bourdon en Hippolyte, en parfaite harmonie avec le Thésée de Yanick Bittencourt, à la fois élégant et puissant, le charme délicat d’Hannah O’Neill en Hermia, et la délicieuse gaieté des élèves de l’Ecole de Danse, habitant cette scène qui se voulait pour une fois légère, en agitant les ailes féeriques que leur a inventées Christian Lacroix.
L’Orchestre, lui, a joué le jeu de la gaieté sous la direction d’Andrea Quinn, familière de ce répertoire de ballet puisqu’elle a été directrice musicale du Royal Ballet et du New York City Ballet, avec les interventions d’une soprano lettone, Silga Tiruma et d’une albanaise, Pranvera Lehnert.
Evidemment, il y a un autre Songe, qui lui est un chef-d’œuvre, celui de John Neumeier, créé en 1977, et entré au répertoire de l’Opéra de Paris en 1982. Le chorégraphe de Hambourg y avait fait fusionner les deux couples principaux en un seul, ce qui donnait une densité troublante à leurs rixes amoureuses, il avait opposé à la virevoltante partition de Mendelssohn, la planante musique de Ligeti pour les évolutions hors temps des elfes dans la forêt, bâti une inénarrable saynète pour les artisans, sur la musique de La Traviata, rarissime moment d’hilarité dans l’histoire du ballet classique. Ce n’étaient plus de ravissantes badineries emperlées mais une envoûtante plongée dans le monde de l’inconscient et des songes les plus étranges. Mais ceci est une autre histoire, celle du génie.
Jacqueline Thuilleux
Le Songe d’une nuit d’été (G. Balanchine ; F. Mendelssohn) – Paris, Opéra Bastille, 18 juin ; prochaines représentations les 21, 26, 27, 29, 30 juin, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 15 & 16 juillet 2022 // www.operadeparis.fr
Photo © Agathe Poupeney - OnP
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